Bimestriel destiné aux diététiciens-nutritionnistes et aux médecins qui propose des brèves tirées de la littérature scientifique internationale.
Avr 2015
Bienfaits de l’allaitement à long terme : mythe ou réalité ?
<h2>L’effet préventif attendu de l’allaitement maternel prolongé sur l’émergence à l’âge adulte de pathologies chroniques n’est pas toujours au rendez-vous. Quelles en sont les raisons ? Les explications du Dr Jean-Paul Langhendries.</h2></br>Au regard de ses constituants, le lait humain exclusif est considéré à juste titre comme l’alimentation idéale de l’enfant les six premiers mois de la vie et comme complément nutritif de choix au cours de la diversification alimentaire qui peut débuter entre 4 et 6 mois. Aussi, un enfant nourri au sein de façon prolongée devrait, en toute logique, être mieux armé à l’âge adulte contre l’émergence de pathologies non strictement héréditaires telles que notamment les maladies cardiovasculaires et le syndrome métabolique au sens large. <h3>Des études non concluantes</h3> L’analyse de la littérature montre cependant que l’effet préventif de l’allaitement maternel prolongé vis-à-vis de l’émergence future de pathologies chroniques non strictement héréditaires n’est pas toujours au rendez-vous. À noter que les études sur les bienfaits de l’allaitement de durée variable sont essentiellement observationnelles, peu d’entre elles sont randomisées. Globalement, il y a autant d’analyses montrant des effets positifs dans la prévention de ces maladies de l’adulte que d’études rapportant aucun effet significatif. C’est le cas notamment de l’étude randomisée contrôlée Probit (<em>Promotion of Breastfeeding Intervention Trial</em>) soutenue par l’Organisation mondiale de la santé, qui a suivi près de 14 000 enfants de la naissance jusqu’à 11,5 ans et n’a pas pu montrer d’influence de l’allaitement exclusif et prolongé sur les facteurs de risque cardiométaboliques dans l’enfance. <h3>L’hypothèse épigénétique</h3> Deux grandes raisons sont avancées pour expliquer ces difficultés à prouver l’intérêt d’un allaitement prolongé sur la santé à long terme. La première concerne les différences entre individus dans les potentialités d’expression de leurs gènes. Ainsi, dans des situations de stress <em>in utero</em> ou à la naissance, des stratégies de survie peuvent se mettre en place et être déterminantes dans l’expression génétique. La seconde raison est liée aux nombreux facteurs dont les actions s’ajoutent aux variations des modalités nutritionnelles lors des premières années postnatales. Il peut s’agir du mode de naissance, qui aura un impact sur le microbiote intestinal, de l’administration répétée de xénobiotiques et/ou toxiques, du manque ou de l’excès d’activité physique, du tabagisme passif, de la pollution et de l’influence des maladies contractées les premières années de vie. Ainsi, les différences observées entre individus pourraient s’expliquer par l’influence de tous ces facteurs environnementaux au début de la vie sur l’expression déterminante précoce de certains gènes, sans que ces derniers n’aient été <em>a priori</em> altérés à la base. En un mot, l’épigénétique pourrait expliquer l’absence de l’effet bénéfique à long terme de l’allaitement maternel. <h3>Miser sur le microbiote</h3> Davantage d’espoir est envisageable dans le rôle préventif de la nutrition en bas âge sur les maladies auto-immunes et allergiques, mais aussi sur les maladies infectieuses. En effet, un rôle immunitaire initiateur déterminant majeur est de plus en plus fréquemment attribué au microbiote intestinal du nouveau-né. Or l’allaitement prolongé est assurément le meilleur moyen d’obtenir une colonisation bactérienne la plus adéquate, d’autant plus s’il est complété par une diversification progressive, non retardée au-delà de 6 mois, et répétée pour chacun des antigènes nouvellement introduits. Ensemble, cet allaitement et une diversification progressive pourraient constituer le meilleur moyen pour obtenir une induction immunitaire optimale du chorion sous-muqueux intestinal, point de départ pour assurer une bonne stabilité immunitaire de tout l’organisme par la suite. Le bénéfice pour la santé future de l’humain que pourrait apporter cette nouvelle approche nutritive, systématiquement lentement progressive mais non retardée, devrait faire l’objet d’études randomisées prospectives de qualité. <em><strong>D’après l’intervention du Dr J.-P. Langhendries (site Saint-Vincent, Rocourt-Liège, Belgique) lors de la Journée annuelle du CEDE, 20 mars 2015, Luxembourg.</strong></em>
Fév 2015
Reproduction : le poids de la nutrition
<h2>Nutrition, poids, fertilité, reproduction… étaient au programme de la journée annuelle Benjamin Delessert qui s’est déroulée à Paris le 30 janvier 2015. En voici quelques extraits.</h2></br>Peu de données sont encore disponibles concernant l’influence du mode de vie et de l’environnement sur la fertilité féminine et masculine, mais force est de constater le rôle crucial du poids. <h3>La fertilité féminine engagée dès la naissance </h3> Le poids, à n’importe quel moment de la vie, a un impact sur la fertilité naturelle de la femme, rappelle le Dr Isabelle Cédrin-Durnerin*. Ainsi, s’il est petit à la naissance, il diminue la fertilité naturelle ultérieure de la femme. Le poids à l’adolescence et à l’âge adulte a une influence sur l’âge de la première grossesse. Au moment de la conception, surpoids et obésité diminuent la fertilité de la femme et peuvent avoir un effet transgénérationnel. Ceci serait dû à un trouble de l’ovulation, le risque d’infertilité étant très augmenté lorsque l’IMC dépasse 30 kg/m<sup>2</sup>. Outre le poids, régime alimentaire, activité physique et mode de vie ont également leur importance.<br />Dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, le surpoids et l’obésité diminuent les chances de grossesse et augmentent le risque de fausses couches spontanées. En cas de don d’ovocytes, c’est avant tout l’IMC de la receveuse qui importerait, l’impact sur les chances de grossesse étant lié à un trouble de l’implantation plutôt qu’à la qualité ovocytaire.<br />À noter que dans le syndrome des ovaires polykystiques (SPOK), l’adiposité abdominale et l’insulinorésistance sont fréquentes et seraient à l’origine de l’anovulation observée dans cette pathologie, considérée comme métabolique. Une perte de poids de 5 à 10% permet d’améliorer les chances de grossesse. <h3>Hypofertilité du couple : le poids du père </h3> Le poids influence également la fertilité de l’homme et du couple, précise le Pr Rachel Lévy**. L’allongement du délai à concevoir augmente avec l’IMC du père, notamment à partir d’un IMC > 35 kg/m<sup>2</sup>, et les chances de grossesse diminuent dans le cadre d’une fécondation <em>in vitro</em> du fait d’un taux diminué de blastulation. Par ailleurs, plus l’IMC du père est élevé, plus le risque d’oligozoospermie, d’azoospermie et d’ADN spermatique fragmenté est élevé. L’obésité abdominale tend également à réduire le nombre de spermatozoïdes et leur mobilité. Le concept de « l’origine développementale de la santé et des maladies » (DOHaD) prend ici tout son sens. À chaque période du développement – gamétogenèse, fécondation, développement embryonnaire – correspond une susceptibilité spécifique aux facteurs environnementaux. Les mécanismes sont complexes et sans doute multifactoriels. C’est ainsi que s’expliquerait la transmission transgénérationnelle d’un phénotype métabolique <em>via</em> des marques épigénétiques héritables portées par les spermatozoïdes. L’impact de l’obésité paternelle induite par l’alimentation sur la santé métabolique et reproductive de deux générations a été montré chez la souris. <h3>La nutrition affecte aussi la reproduction </h3> On sait que les enfants (et même les petits-enfants) issus de mères soumises à la famine ont un risque de surpoids et de maladies cardiovasculaires plus élevé ; l’environnement maternel durant la grossesse peut donc affecter la fertilité de l’enfant à venir quel que soit son sexe, rappelle Pascale Chavatte-Palmer***. Chez l’animal, la sous-nutrition maternelle affecte la réponse hypophysaire à la GnRH et le développement des gonades, et l’excès nutritionnel est aussi associé à un retard de croissance <em>in utero</em> (RCIU) affectant les fonctions ovarienne et testiculaire. Chez l’homme, le RCIU peut être associé dans les deux sexes à une altération du développement gonadique dès le stade fœtal ou au moment de la naissance et à des perturbations du bilan hormonal à la puberté avec un risque d’hypofertilité ultérieur. Par ailleurs, des liens sont retrouvés entre IMC élevé de la mère avant conception et puberté précoce chez les filles, altération des paramètres spermatiques chez les garçons à l’âge adulte… <strong>En conclusion,</strong> le poids mais aussi l’état nutritionnel de l’homme et de la femme doivent être plus largement pris en compte dans les diagnostics d’infertilité et l’accompagnement des futurs parents dans leur désir d’enfant. <br /><span style="COLOR: #666666">* Médecine de la reproduction, hôpital Jean-Verdier, Bondy.<br />** Biologie de la reproduction, hôpital Jean-Verdier, Bondy, hôpital Tenon, Paris.<br />*** INRA, UMR Biologie du développement et reproduction.</span>
Déc 2014
E-nutrition : une multitude d’outils de qualité très variable
<h2>Surveillance glycémique, informations sur les calories des aliments, suivi d’un régime... Une récente étude a passé au crible les applications nutritionnelles aujourd’hui proposées sur le marché. Bilan avec Jean-Pierre Loisel, sociologue, directeur des projets et partenariats à l’Institut national de la consommation.</h2></br><h2></h2> <h2><em><strong>Une multitude d’applications mobiles, de jeux éducatifs interactifs et d’objets connectés font leur apparition dans le domaine de la nutrition à destination du grand public. Comment expliquer ce phénomène ?</strong></em></h2> <strong style="color: rgb(51, 153, 255);">J.-P. Loisel.</strong> Le développement de ce nouveau marché depuis environ cinq ans est lié à celui des smartphones et des tablettes. À cela s’ajoute un contexte médico-social favorable, la nutrition étant devenue un enjeu majeur de santé publique avec l’augmentation de l’obésité et du surpoids depuis les années 1980. De plus, le grand public est fortement sensibilisé aux questions de nutrition, grâce aux mes sages nutritionnels du Programme national nutrition santé (PNNS). Enfin, les applications mobiles et autres objets connectés répondent à une idée très en vogue actuellement : celle du « self quantified », consistant à s’évaluer soi-même pour maîtriser sa santé. Ainsi le marché est en plein boum. <h2><em>Vous avez mené une étude sur les applications </em><em>nutritionnelles. Pourquoi cette initiative ?</em></h2> <strong style="color: rgb(51, 153, 255);">J.-P. Loisel.</strong> Nous avons mené cette étude avec le soutien du Fonds français alimentation et santé (FFAS) afin d’évaluer la qualité des produits disponibles. Pour l’heure, le marché n’est pas régulé. Certes, la santé mobile peut constituer un outil pour favoriser une meilleure implication des patients dans leur prise<br />en charge et inciter à des comportements de prévention, mais il peut y avoir des dérives avec la diffusion de données non validées, voire des conseils non conformes aux préconisations des professionnels de santé. <h2><em>Quelle a été votre méthodologie de travail ?</em></h2> <span style="color: rgb(51, 153, 255);"><strong>J.-P. Loisel.</strong> </span>En partenariat avec le FFAS, nous avons sélectionné quinze applications en utilisant trois critères : leur popularité (plus de dix mille téléchargements), leur disponibilité sur iPhone, iPad ou système Android, leur diffusion en français. Sur les quinze applications, deux concernaient la perte de poids, trois l’aide au choix des aliments, et dix l’équilibre alimentaire. Nous avons procédé ensuite à trois types d’évaluation : technique (ergonomie de l’application ; pertinence des informations et des conseils) ; juridique (sécurité des données individuelles...) et une évaluation dite « comportementale » visant à savoir ce que recherchent les utilisateurs en choisissant de tels produits. <h2><em>Quels sont les résultats principaux de l’étude ?</em></h2> <strong style="color: rgb(51, 153, 255);">J.-P. Loisel.</strong> Neuf applications sur dix ne sont pas accompagnées de conditions générales d’utilisation. Un tiers ne mentionne pas le nom de l’éditeur. Une application sur deux (47%) ne donne aucune information sur l’utilisation des données personnelles (contrairement aux directives de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ainsi sur le plan juridique, on constate un manque évident d’informations. Concernant les valeurs nutritionnelles, seulement 13 % des applications proposent des données référencées. Pour trois applications<br />sur dix, il y a d’importants écarts avec la table Ciqual de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) sur les calories des produits. On peut donc se montrer très réservé sur la fiabilité de la grande majorité des applications. Autre dérive, pour trois applications sur dix concernant les régimes, l’utilisateur introduit directement son objectif (perte de poids) ainsi que le temps souhaité pour l’atteindre (temps du régime). D’où la possibilité d’établir des<br />objectifs dangereux comme une perte de 10 kg en dix jours. Objectif que certains utilisateurs n’hésitent pas à se fixer en l’absence d’accompagnement par des professionnels. Comme l’a montré notre évaluation sur les comportements des consommateurs, la plupart sont très naïfs et ne se posent aucune question sur la<br />validité des informations diffusées. <h2><em>Quel serait votre message auprès des diététiciens ?</em></h2> <strong style="color: rgb(51, 153, 255);">J.-P. Loisel. </strong>J’estime que 25 à 30 % des applications devraient être retirées du marché. Pour protéger les consommateurs, évidemment, l’idéal serait la mise en place d’un cadre normatif. Un projet qui pourrait devenir prochainement une réalité, puisque, suite à notre étude, un groupe de travail Afnor sera constitué en 2015 pour produire une norme encadrant le marché. Pour l’heure, aux diététiciens de rester vigilants en conseillant à leurs patients les applications les plus pertinentes. Certaines sont vraiment très bien conçues et peuvent être très utiles pour aider des personnes à suivre un régime sur le long terme. <p class="align-left"><strong><em>Propos recueillis par Corinne Drault</em></strong> </p> <p class="align-left"><br /><strong>Interview réalisée suite à l’intervention de J.-P. Loisel au colloque du FFAS du 20 novembre 2014 : « Vers une information à la carte ? Les enjeux de la dématérialisation de l’information sur les produits alimentaires ». </strong><a href="http://alimentation-sante.org/2014/10/colloque20novembre2014/"><span style="color: rgb(51, 153, 255);">http://alimentation-sante.org/2014/10/colloque20novembre2014</span></a></p>
Oct 2014
Habitudes alimentaires : une construction collective
<h2>Les modes d’agencement et de gérance d’un territoire et l’organisation sociospatiale qui en découle peuvent participer aux inégalités sociales en matière de pratiques alimentaires. C’est ce que révèle une expertise de l’Inserm (1) réalisée à la demande de la DGS.</h2></br>L’alimentation et l’activité physique participent aux inégalités sociales de santé, inégalités en ligne de mire du Programme national nutrition santé (PNNS). C’est dans ce cadre que la Direction générale de la santé (DGS) a sollicité l’Inserm afin d’établir un bilan des connaissances sur les déterminants de ces inégalités liées à la nutrition et sur les stratégies d’interventions susceptibles d’y remédier. Les inégalités de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique résultent d’un ensemble de processus, dans lequel interviennent des choix individuels influencés par divers facteurs (environnementaux, économiques, culturels, psychologiques…). Parmi ces déterminants, le rôle des agencements territoriaux en tant qu’espaces administrés, aménagés, appropriés et vécus par une société est complexe et pas moindre. <h3 style="COLOR: " class="align-center" align="left">L’ancrage régional transcende les clivages sociaux</h3> Malgré l’uniformisation redoutée de nos consommations alimentaires du fait de la «mondialisation», il existe une grande variété de régimes alimentaires au niveau international comme à l’échelle régionale. En France, les données de la cohorte E3N ont permis d’établir des tendances régionales dans les comportements alimentaires. À l’ouest, une place importante est donnée aux poissons, fruits de mer, pommes de terre et matière grasse animale; au nord, ce sont les apports en produits carnés et boissons sucrées qui sont plus élevés ; à l’est, les apports en fruits et légumes, produits laitiers et poissons sont faibles et, dans les régions du sud-ouest et du pourtour méditerranéen, ce sont les huiles végétales, fruits et légumes, pâtes, riz et oeufs qui sont le plus consommés. Ces traits régionaux confirmés par d’autres enquêtes(SU.VI.MAX, INCA 2) transcendent les clivages sociaux et ne sont pas spécifiques à la France. Ces différences régionales, voire internationales, témoigneraient de la diversité des modes de production, de distribution et d’approvisionnement des produits alimentaires, mais aussi des croyances et attitudes de la population vis-à-vis des produits et plus généralement des modes de vie. À noter que si, selon l’étude MONICA, dans le nord et l’est de la France la qualité nutritionnelle des apports est fonction du niveau d’éducation, elle ne l’est plus dans le sud-ouest caractérisé de façon indifférenciée par une meilleure qualité des apports alimentaires. Ainsi, les inégalités sociales face à l’alimentation se nichent au sein de systèmes alimentaires régionaux et locaux stables et lents à évoluer. <h3 class="align-center" align="left">L’importance de la structuration sociale</h3> À plus petite échelle ont été mis en évidence des liens souvent sous-estimés entre le niveau socioéconomique du quartier de résidence et les apports alimentaires, et ce indépendamment du statut social des résidents. Les populations des quartiers défavorisés consomment moins de fruits et légumes, de poisson ; achètent moins souvent des produits riches en fibres, pauvres en graisse, sel et sucre. Ces variations de consommations alimentaires entre quartiers de résidence ne résultent pas uniquement d’effets de compositions sociales de la population. Outre des facteurs liés aux infrastructures implantées, les modes d’organisation sociale, politique et culturelle du quartier y participent. En effet, l’influence de l’accessibilité à l’offre alimentaire ne se résume pas à une question de disponibilité ou de proximité de cette offre. Le rapport des habitants à leurs espaces de vie, les dynamiques sociales du quartier, les modalités d’accès sont à prendre en compte. <h3 class="align-center" align="left">En conclusion</h3> Les comportements alimentaires ne sont pas qu’une affaire individuelle mais relèvent d’une construction collective et partagée. Dans ce cadre, les interventions sur l’offre alimentaire consistent soit à promouvoir des aliments recommandés dans des structures existantes implantées dans les zones sous-équipées ; soit à introduire une nouvelle offre au sein des quartiers mal équipés : implantation des supermarchés, développement des marchés, de l’agriculture péri-urbaine ou de jardins communautaires. (1) Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique. Collection Expertise collective, Inserm, juin 2014.
Août 2014
Allégations « sans » : rester positif
<h2>Les régimes « sans », telle était la thématique des 16es Entretiens de nutrition de l’institut Pasteur de Lille à l’occasion desquels l’ANIA a présenté ses recommandations sur l’utilisation de l’allégation « sans ».</h2></br>Si certaines allégations « sans » sont autorisées et réglementées (sans sucres, sans OGM…), d’autres, utilisées par les industriels, ne bénéficient pas de recommandations claires sur leur emploi et nécessiteraient, selon l’ANIA, d’être encadrées. En effet, les allégations « sans » sont parfois utilisées dans une communication globale négative à la limite du dénigrement allant à l’encontre d’une communication loyale et au risque de tromper le consommateur. Pour lutter contre ce mésusage de l’allégation « sans », l’ANIA déconseille à l’industrie agro-alimentaire le recours aux messages péjoratifs et recommande une communication positive afin de conforter la confiance du consommateur et améliorer l’image des produits alimentaires. <h3> Bannir les messages péjoratifs… </h3> Il faut bien distinguer les communications péjoratives des allégations de type « sans » qui informent sur l’absence d’un ingrédient, d’un composé, d’une substance ou d’un procédé. Les communications péjoratives entretiennent craintes et préjugés. Elles alimentent les rumeurs concernant certains composants, procédés de fabrication ou emballages aux dépens même d’avis fondés émis par des agences scientifiques officielles. Elles peuvent porter atteinte à l’image de marque d’une entreprise ou d’un produit afin de détourner une clientèle et constituer ainsi un dénigrement, passible dans certains cas de sanction pour comportement déloyal. Ainsi, associer un ingrédient ou un produit à un risque pour la santé, relayer des informations scientifiquement infondées, associer à une allégation « sans » un jugement discréditant le produit ou l’ingrédient visé par l’allégation, accréditer ou alimenter un environnement médiatique négatif/polémique ou un message alimentaire/sanitaire dénigrant alors que la sécurité de la substance ou du procédé n’a pas été mise en doute par une agence scientifique… sont des exemples de messages véhiculant un dénigrement dont l’ANIA déconseille l’utilisation. <h3>… et encadrer les allégations</h3> En revanche, les allégations « sans » qui informent sur l’absence d’une substance (ingrédient, composé, etc.) ou d’un procédé dans un but purement informatif pour le consommateur peuvent être admises à condition de ne pas constituer l’argument de vente principal du produit. Elles ne doivent pas être couplées à une communication péjorative ni mettre en avant un risque ou un danger pour la santé ou pour l’environnement. Conformément aux règles de l’étiquetage, l’allégation ne doit pas induire une distinction abusive entre produits similaires. De même, pour toute allégation informant sur l’absence d’un ingrédient, composé, substance ou procédé, à défaut de réglementation, le fabricant doit pouvoir justifier qu’il n’a pas utilisé l’élément auquel se rapporte l’allégation « sans » tout au long de la chaîne de fabrication. S’il s’agit de substitution d’un élément par un autre, deux situations se distinguent: – l’allégation porte sur l’absence d’une catégorie d’ingrédients ou de substances assurant un rôle technologique (sans colorant, sans arôme, sans conservateur, etc.) remplacés par un autre ingrédient/substance remplissant les mêmes fonctions. Si la substitution constitue une valeur ajoutée au produit pour le consommateur, l’allégation peut être admise à condition de mentionner l’ingrédient de substitution: par exemple, mention de la présence de jus de carotte pour ses propriétés colorantes accompagnant l’allégation « sans colorant artificiel ». En l’absence de valeur ajoutée, l’ANIA considère l’allégation trompeuse; – l’allégation porte sur l’absence d’une substance particulière, par exemple « sans aspartame », mais le produit contient d’autres produits de substitution ayant le même rôle, en l’occurrence d’autres édulcorants de synthèse. Pour l’ANIA, l’allégation « sans aspartame » ne peut être admise qu’à condition que les autres édulcorants soient clairement mentionnés dans le même champ visuel que l’allégation, pour pallier le risque de tromperie. <h3>En conclusion</h3> Historiquement contre les mentions de type « sans », l’ANIA propose désormais leur encadrement dans un guide de bonnes pratiques à l’usage des professionnels sur les communications péjoratives et les allégations de type « sans » qui, bien qu’il ne s’agisse pas d’une interprétation officielle, a le mérite de proposer des règles volontaires d’utilisation des allégations de type « sans ». <em><sub><strong>D’après la communication de Cécile Rauzy, directrice Alimentation Santé de l’ANIA.</strong></sub></em>
Juin 2014
Cuisson, transformation, quels impacts sur l’aliment ?
<h2>L’impact des procédés de traitement des aliments sur leurs qualités nutritionnelles était une des trois thématiques développées lors des 52es Journées d’études AFDN, qui se sont déroulées cette année à Marseille du 5 au 7 juin.</h2></br><h3 align="left">Oméga 3 et transformation</h3> Pour pouvoir assurer pleinement leurs fonctions, les acides gras polyinsaturés oméga 3 doivent pouvoir pénétrer dans l’organisme dans leur état natif, le moins dégradé possible. Leurs principales sources, certaines huiles pour leur précurseur, l’acide alphalinolénique (ALA) et les poissons gras pour les dérivés EPA et DHA font l’objet de recommandations nutritionnelles. Or, leur structure chimique les rend fragiles, du fait même de la présence de liaisons insaturées, à deux types de dégradation : oxydative et thermique. Ainsi les denrées sources d’oméga 3 doivent avoir été produites, conservées et mises en oeuvre par des procédés prévenant ou limitant ces altérations, qui ont été présentés par Florent Joffre (ITERG, Pessac). Pour les huiles et aussi les biscuits, sauces etc. qui les contiennent, l’oxydation sera limitée lors de la production- fabrication par la maîtrise de l’exposition à l’air, l’ajout d’antioxydants ; par l’optimisation de l’emballage (réduction de la perméabilité à l’air) et la surgélation pour la conservation et le stockage (DLUO). La dégradation thermique concerne la cuisson, en particulier la friture, qu’elle soit en bain ou à la poêle et peut être limitée par le respect des bonnes pratiques (huiles : température maximale de friture 180 °C, 8 à 10 bains maximum). <h3>Lyophilisation et conservation</h3> La lyophilisation est un procédé de déshydratation à très basse température qui élimine l’eau par sublimation : la glace devient de la vapeur. L’eau résiduelle est chauffée et éliminée. D’après Fernanda Fonseca (Inra, Versailles), ce procédé de conservation était déjà utilisé par les Incas en 1100 pour la viande et les pommes de terre. Les avantages sont des nutriments sensibles au traitement thermique qui seront mieux préservés, l’aspect et le goût de l’aliment conservés, le stockage facile à température ambiante. Mais le procédé est coûteux (discontinu, long : vingt quatre heures pour lyophiliser des fraises) et la crise énergétique des années 1970 a freiné son développement. Les plats lyophilisés sont très utilisés en milieux extrêmes, et on peut trouver dans le commerce toute une gamme de plats cuisinés lyophilisés (pâtes, oeufs brouillés, boeuf bourguignon…). <h3 align="left">Cuisson des viandes</h3> En changeant l’état physique et chimique des constituants de la viande, la cuisson est susceptible d’en modifier la valeur nutritionnelle, un phénomène insuffisamment pris en compte comme pour les autres aliments. Encore faut-il en avoir les moyens. L’objectif du travail présenté par Gilles Gandemer (Inra, Lille) était de développer des outils fiables de calcul de la valeur nutritionnelle des viandes cuites. Or de nombreux facteurs interviennent, outre le type de cuisson : type de viande, espèce animale, taille des morceaux, matériel… La modélisation des pertes de jus et de nutriments en fonction du temps et des températures de cuisson pour une large gamme de pratiques culinaires a permis de construire des abaques de calculs de compositions nutritionnelles des viandes cuites à partir de celles des viandes crues. En effet, la perte en jus est responsable de la perte du poids et des nutriments solubles de la viande au cours de la cuisson. Plus la température au coeur de la viande est élevée et le temps de cuisson long, plus la perte en jus est importante : 5-25 % pour les viandes grillées ou poêlées à 35-50 % pour les viandes bouillies ou braisées. Au cours de la cuisson, la majorité des nutriments – protéines, lipides, acides gras, acides aminés, quelques minéraux et vitamines – se concentrent dans la viande, et les pertes ne sont pas significatives. Les nutriments solubles sont expulsés dans le jus, lorsqu’ils sont peu sensibles à la chaleur (vitamine B3), leur concentration reste la même dans la viande cuite. En revanche, ceux qui sont thermosensibles (fer héminique, vitamine B6) subissent une perte de 10 à 20 % par dégradation thermique. <strong>En conclusion</strong>, qu’ils soient domestiques ou industriels, les traitements que l’on fait subir aux aliments doivent autant que possible permettre une maîtrise chimique et microbiologique des produits au cours de leurs transformations mais aussi le maintien de leurs qualités gustatives et nutritionnelles.
Avr 2014
Journée du CEDE: morceaux choisis
<h2>Cette année encore, la journée de formation du Club européen des diététiciens de l’enfance (CEDE) fut riche d’enseignements. Deux interventions ont particulièrement retenu notre attention: l’une concernait ÉDEN, l’autre les enfants nés par césarienne.</h2></br>Le CEDE est une association européenne francophone dont l’objectif est de promouvoir la santé nutritionnelle de l’enfant. Créée en 1996, elle représente également la profession de diététicien pédiatrique par la reconnaissance de ses spécificités. Afin de maintenir son expertise, le CEDE organise des formations continues. Dans ce cadre, la 18e Journée du CEDE, qui s’est tenue le 21 mars 2014 à Nancy, était consacrée au thème « Autour de la naissance: impact de la nutrition sur la santé de la mère et de l’enfant ». <h3>ÉDEN sur la corpulence de l’enfant</h3> L’ensemble de la littérature s’accorde sur l’existence d’une association positive entre corpulence de l’enfant et, à la fois, IMC maternel avant conception et gain de poids gestationnel excessif. L’influence des variations pondérales de la mère avant et pendant la grossesse sur la corpulence de l’enfant à la naissance et à 5 ans, moins étudiée, était l’objet de l’étude présentée par Madalina Jacota. Cette analyse – réalisée à partir de la cohorte ÉDEN commencée en 2003 et incluant 2002 femmes enceintes avant 24 semaines de grossesse – a concerné 900 couples mère-enfant. Les données anthropomorphiques montrent que quand la prise de poids annuelle de la mère avant grossesse augmente, le poids de naissance de l’enfant est plus important, uniquement si la mère n’est pas en surcharge pondérale. À l’inverse, les données de l’enfant à 5 ans montrent que cette augmentation de la prise de poids de la mère<br />avant conception ralentit la croissance postnatale de l’enfant (poids, taille et IMC).<br />Comme attendu, un gain de poids gestationnel plus important augmente le poids de l’enfant à la naissance. Mais lorsqu’il a 5 ans, seule l’adiposité serait augmentée en cas de gain de poids excessif ou insuffisant de la mère pendant la grossesse. Enfin, quand la mère est en surcharge pondérale ou est obèse avant la conception, la corpulence et l’adiposité de l’enfant à la naissance et à 5 ans sont plus élevées quelles que soient les variations pondérales de la mère avant et pendant la grossesse. Seul l’IMC avant la grossesse compte alors, suggérant l’influence de déterminants génétiques et/ou liés au mode de vie familial. <h3>Naissance par césarienne : rétrospective</h3> Le Dr Marc Bellaïche a rappelé dans une mise au point que morbidité respiratoire, détresse respiratoire et tachypnée transitoire font partie des risques encourus à court terme par l’enfant né par césarienne. Pour ces enfants, le risque d’hospitalisation pour bronchiolite avant l’âge de 12 mois est augmenté de 10 %. En revanche, aucun lien n’a été établi entre naissance par césarienne et hospitalisation pour pneumonie. Les impacts de la naissance par césarienne sur la santé de l’enfant ne se cantonnent pas aux infections respiratoires. Une augmentation de 80 % du risque de sensibilisation aux allergènes alimentaires a été observée chez des nourrissons nés par césarienne avec des antécédents allergiques familiaux et nourris au sein exclusivement pendant quatre mois. Le risque d’apparition d’une diarrhée est également majoré. En revanche, eczéma et coliques du nourrisson ne seraient pas plus fréquents. La composition et le déséquilibre du microbiote intestinal lié à la naissance par césarienne auraient-ils une influence à long terme chez l’enfant? Les données de la littérature ne s’accordent pas sur l’influence de la naissance par césarienne sur le risque allergique (rhinite, asthme, dermatite, sensibilisation alimentaire…) chez l’enfant à plus de dix ans de recul. Cependant, la mise en culture de la flore bactérienne intra-utérine pendant les<br />césariennes pour près de 500 nouveau-nés montre que la présence de bactéries anaérobies et de certains streptococcus était associée à une plus grande fréquence de l’asthme chez l’enfant à l’âge de 15 à 17 ans qu’en l’absence de bactéries. À noter que plus que l’absence de bactéries, la présence de bifidobactéries ou de lactobacilles, à l’inverse, serait bénéfique. <strong>D’après les interventions de Madalina Jacota « Trajectoire pondérale de la mère<br />avant grossesse. Influence sur la croissance de l’enfant » et du Dr Marc Bellaïche « Nouveau-nés par césarienne: implication à moyen et long terme ».</strong>
Fév 2014
Maladies cardiovasculaires :l’alimentation au coeur de la prévention
<h2>Les derniers résultats des études épidémiologiques MONICA* et MONA LISANUT** mettent en évidence des facteurs nutritionnels susceptibles d’agir sur les facteurs de risque de mortalité cardiovasculaire.</h2></br>En France, les maladies cardiovasculaires (MCV) – maladies coronariennes et accidents vasculaires cérébraux –, responsables de 27,5 % des décès, représentent la deuxième cause de mortalité. Depuis 1985, trois registres recueillent les données sur les départements du Bas-Rhin et de Haute-Garonne et la communauté urbaine de Lille. D’après ces données, le nombre de cas ainsi que la mortalité cardiovasculaire diminuent, témoignant d’une meilleure prise en charge et de l’intérêt des actions préventives. Ces centres sont également impliqués dans la réalisation d’enquêtes nutritionnelles <h3>Agir sur les facteurs de risque</h3> C’est dans ce cadre que les deux projets MONICA puis MONA LISA-NUT se sont intéressés aux facteurs de risque de morbidité et mortalité cardiovasculaire. Car, en effet, si certains facteurs de risque des MCV ne sont pas modifiables (âge, sexe, antécédents familiaux), il est possible d’agir sur d’autres, comme le tabagisme, l’hypertension artérielle, l’excès de cholestérol et de triglycérides, le diabète,<br />l’obésité, la sédentarité ou encore une alimentation déséquilibrée. L’analyse des premières données révélait, il y a une dizaine d’années, que l’alimentation pouvait agir sur certains facteurs de risque. L’étude de l’influence de l’alimentation s’est alors poursuivie sur des sous-groupes représentatifs de la population. Ainsi, près de 1000 hommes âgés de 45 à 65 ans en 1995 issus de la cohorte française de l’étude MONICA[1] ont participé à un volet nutritionnel et ont été suivis pendant quinze ans. Puis environ 3000 sujets, âgés de 35 à 64 ans (environ 50 % d’hommes et 50 % de femmes), issus de la cohorte MONA LISANUT[2] initiée en 2005-2007, participèrent également à une analyse des liens entre alimentation et facteurs de risque cardiovasculaire; le risque global de mortalité cardiovasculaire dans les dix ans qui suivent étant estimé en fonction des facteurs de risque de chaque personne suivie. <h3>MONA LISA conforte MONICA</h3> L’étude MONICA montre que le syndrome métabolique est moins fréquent chez les hommes « grands » consommateurs de lait et produits laitiers frais que chez les « petits » (18 à 20 % versus 32 %). Ce syndrome regroupe un ensemble de symptômes qui sont autant de facteurs de risque cardiovasculaire: obésité abdominale, anomalie du bilan lipidique (triglycérides élevés, cholestérol-HDL bas), hypertension artérielle, glycémie élevée ou diabète. L’étude MONA LISA confirme ces résultats. Les consommateurs de lait et produits laitiers frais ont moins de diabète, moins de « mauvais » cholestérol, moins de triglycérides et de syndrome métabolique. Le fromage, consommé en faible ou grande quantité, n’a aucune incidence cardiovasculaire. À noter que les consommateurs de produits laitiers ont une alimentation mieux équilibrée (plus de fruits et légumes, de poisson, de viande, volaille et oeufs) et boivent moins d’alcool. De plus, le risque estimé de décès par MCV dans les dix ans qui suivent est diminué d’environ 30 % chez les grands consommateurs de lait, yaourt et fromage blanc. Au-delà de cette estimation, le suivi sur quinze ans dans l’étude MONICA a permis d’observer une diminution effective de la mortalité, essentiellement cardiovasculaire, de 59 % chez les sujets ayant les consommations en produits laitiers, fruits et légumes et pain les plus élevées. <h3>Au-delà des nutriments, une alimentation équilibrée</h3> La présence de nombreux nutriments dans les produits laitiers pourrait expliquer leur effet bénéfique sur le risque cardiovasculaire: en premier lieu le calcium mais aussi le potassium, le magnésium, les protéines et certains peptides issus de leur métabolisme ainsi que certains acides gras. Séparément ou en synergie, ces nutriments peuvent agir sur la satiété et la gestion de l’énergie et des lipides, la sécrétion d’insuline ou encore la régulation de la pression artérielle. Au-delà des nutriments, les études MONICA et MONA LISA montrent que les consommateurs réguliers de produits laitiers ont une alimentation globalement plus équilibrée. Force est de constater que l’alimentation « protectrice » des MCV correspond aux recommandations du PNNS. <strong>* MONICA : MONItoring of trends and déterminants in CArdiovascular diseases.<br />** MONA LISA-NUT : MOnitoring NAtionaL du rISque Artériel.</strong> <strong>[1] Étude MONICA, soumis à publication.<br />[2] Kai SHY, et al. Eur J Prev Cardiol 2013 Sep 3.<br />Doi : 10.1177/2047487313503283</strong>
Déc 2013
Sarcopénie : optimiser les apports protéiques
<h2>Le vieillissement s’accompagne d’une perte progressive de la masse musculaire, appelée sarcopénie, qui a pour conséquence de réduire la mobilité et donc l’autonomie des personnes âgées et de les fragiliser vis-à-vis des maladies. Des stratégies nutritionnelles peuvent cependant limiter et ralentir ce phénomène.</h2></br>La masse musculaire et sa fonctionnalité dépendent directement de son contenu en protéines. Ces dernières sont soumises en permanence à un métabolisme dynamique, où l’équilibre entre anabolisme (protéosynthèse) et catabolisme (protéolyse) s’adapte au cours de la journée aux besoins physiologiques tout en maintenant la masse musculaire constante. Parmi ces adaptations figure le stockage par l’organisme pour les périodes de jeûnes des nutriments apportés par la prise alimentaire. Ainsi, le repas exerce un effet stimulateur sur la synthèse des protéines musculaires. Cet effet s’amenuise avec le vieillissement, et de ce phénomène de « résistance anabolique au repas » résulte une perte progressive de la masse musculaire, les pertes de protéines musculaires à jeun n’étant plus compensées par la synthèse protéique postprandiale. Outre l’insuline, les acides aminés (AA) issus de la digestion des protéines alimentaires sont les principaux facteurs anaboliques associés au repas. Or, pour déclencher la synthèse des protéines musculaires, les AA doivent atteindre un « seuil anabolique » postprandial minimal, que, selon les chercheurs de l’UMR 1019 de l’INRA, le vieillissement rehausserait. <h3>Quelle stratégie nutritionnelle adopter ?</h3> Pour pallier l’altération de la protéosynthèse, la concentration postprandiale en AA devant être accrue pour un même effet sur le métabolisme des protéines musculaires, l’apport en AA doit donc être augmenté. Mais la stratégie nutritionnelle à adopter ne s’arrête pas là. En effet, le moment de l’apport protéique est important. Ainsi, un régime de trois repas par jour avec 80% des protéines journalières fournies par celui de midi est plus efficace, en termes de gain de masse maigre, qu’un régime de quatre repas isoprotéiques. De plus, le choix des protéines est essentiel. L’ingestion de protéines à digestion rapide est à favoriser, mais toutes n’ont pas la même efficacité pour réduire ou ralentir la sarcopénie : leur composition en AA importe, en particulier, leur richesse en leucine. Ce serait plus la cinétique d’apparition de certains AA que la vitesse de digestion globale de la protéine qui confère aux protéines dites « rapides » leur effet stimulateur sur la synthèse des protéines musculaires chez le sujet âgé. Ainsi, une hausse importante de la leucinémie au moment du repas contrecarrerait la baisse de sensibilité du muscle squelettique aux AA et améliorerait la régulation du métabolisme protéique postprandial. Pour autant, l’ajout direct de leucine libre dans le repas n’apporte pas les résultats escomptés quant à l’amélioration de la masse musculaire, probablement du fait d’une désynchronisation postprandiale entre l’arrivée de la leucine et des autres AA alimentaires. <h3>Quelles protéines pour un effet optimal ?</h3> Parmi les protéines alimentaires à digestion rapide pouvant être proposées dans le cadre d’une stratégie nutritionnelle pour limiter ou ralentir la sarcopénie figurent les protéines carnées, dont la composition en AA est idéale pour le muscle, ainsi que certaines protéines laitières, comme la bêtalactoglobuline et les protéines du lactosérum qui, de surcroît, sont plus riches en leucine que les autres protéines alimentaires. Autre facteur influant sur l’efficacité des protéines : la matrice alimentaire qui les contient. Ainsi, la baisse de l’efficacité masticatoire chez la personne âgée peut ralentir l’apparition dans le sang des AA issus des protéines de la viande caractérisée par une matrice solide et ferme. Avoir une source de protéines rapides dans une matrice liquide – comme les protéines du lactosérum – permet de s’affranchir de ce problème. Il faut cependant tenir compte des phénomènes susceptibles d’altérer la digestion de ces protéines et de les rendre plus lentes. <strong>En conclusion</strong>, des stratégies nutritionnelles peuvent donc limiter et ralentir la sarcopénie liée au vieillissement mais aussi à la non-récupération de la masse musculaire au décours d’un état catabolique. Une approche complémentaire pour optimiser la stimulation anabolique postprandiale serait de s’opposer à la hausse du « seuil anabolique » en agissant sur ses diverses causes, outre le vieillissement. D’après l’intervention de Dominique Dardevet (INRA, UMR 1019, unité de nutrition humaine, Clermont-Ferrand) lors du symposium Cerin aux 11es JFN, Bordeaux, 11 décembre 2013.
Oct 2013
Resto U : une mission de santé publique ?
<h2>Selon l’enquête présentée en juin dernier par Brigitte Pavaut*, diététicienne, lors d’une conférence du Fonds français alimentation & santé**, la restauration universitaire favorise le respect du Programme national nutrition santé (PNNS).</h2></br>Comme dans beaucoup d’autres pays, l’alimentation des étudiants en France est souvent déséquilibrée. Une prise de poids est fréquente la première année universitaire et pourrait être liée à ce déséquilibre alimentaire et en particulier à un excès de junk food et de snacks. Confrontés à des difficultés matérielles et à l’isolement, les étudiants, éloignés pour beaucoup du domicile parental pour la première fois, peuvent être en proie à une souffrance psychologique et enclins à des conduites à risques pouvant compromettre leur santé. Cette période charnière pour l’étudiant d’entrée dans la vie adulte est donc déterminante et devrait être l’objet d’une attention prioritaire de la part des politiques de prévention. <h3>Le resto U permet une alimentation équilibrée…</h3> Contre un « ticket RU » à 3,10 €, les étudiants ont accès au resto U à un repas structuré, et ces dix dernières années les CROUS*** se sont attachés à diversifier leur offre alimentaire. Trois formules sont proposées : le menu traditionnel composé d’un plat principal (viande, poisson ou oeufs accompagnés de légumes et féculents) et de deux articles au choix parmi les entrées en salad’bar, produits laitiers, fruits frais et desserts ; le menu simplifié (assiette fraîcheur, pizza ou pâtes ou steak frites plus une entrée ou un dessert) ; le menu végétarien où l’élément protidique est un produit laitier. Cette offre diversifiée permet d’avoir un repas équilibré, mais c’est à l’étudiant de le composer. Pour l’aider, depuis 2004, le CROUS de la région d’Aix-Marseille a mis en place avec le concours d’une diététicienne des animations (6 par an dans chacun des 11 restos U de la région) afin d’inciter la consommation des aliments à favoriser et dispenser des conseils simples. De leur côté, les chefs de cuisine ont reçu des informations sur le PNNS et sur les moyens d’améliorer leur offre. <h3>…et le respect des repères du PNNS</h3> Fort de ces initiatives, le CROUS d’Aix-Marseille a mené une enquête sur deux mois auprès des étudiants fréquentant à midi les 11 restos U de la région dans le cadre du projet « Alimentation et santé pour les étudiants d’aujourd’hui et les familles de demain » afin de savoir si fréquenter le resto U favorise le respect des repères de consommation du PNNS. Plus de 3 000 étudiants ont répondu à un questionnaire de type QCM. Les données sociodémographiques des étudiants et sur la fréquence et le contexte de leurs repas pris au resto U étaient relevées. De plus, les fréquences de consommation des huit catégories d’aliments groupés selon les critères du PNNS : fruits et légumes, viandes-poissons-oeufs, produits laitiers, pains et autres féculents, eau, sodas et produits sucrés et gras, produits salés et gras, graisses animales et végétales, ainsi que la pratique d’une activité physique étaient analysées afin d’évaluer par un score allant de 0 à 9 le respect des repères du PNNS. Pour les trois quarts des étudiants, le resto U les aide à manger équilibré et deux tiers déclarent y manger avec plaisir. Près de 53 % de femmes et 75 % de hommes y vont au moins trois fois par semaine et les repas sont pris en compagnie d’amis dans plus de 90 % des cas. Bien que la majorité des étudiants (87 %) ne connaissent pas le PNNS, près de 64 % ont un bon score de respect de ses repères de consommation (> 5). Les repères les mieux respectés concernent les viandes-poissons-oeufs (75,5 %), les féculents (78 %) et les produits sucrés (82 %) et les moins bien suivis sont ceux des<br />fruits et légumes (31,6 %) et des produits laitiers (31,8 %). Le respect des repères du PNNS est plus fréquent chez les étudiants allant au resto U au moins trois fois par semaine, dont le budget alimentaire dépasse 100 €/mois, qui n’habitent ni chez leurs parents ni en cité universitaire et qui peuvent conserver et cuire des aliments. Parmi eux se trouvent ceux qui mangent avec plaisir au resto U et en compagnie d’amis. <strong>En conclusion</strong>, le bénéfice en termes d’équilibre nutritionnel apporté par la restauration universitaire est bien réel. Or seul un étudiant sur deux va une fois par semaine ou plus au resto U. Reste à en déterminer la raison : le ticket RU est trop cher, ainsi que le suggère l’enquête, ou l’alimentation n’est pas prioritaire pour l’étudiant. <strong>Pour en savoir plus : Pavaut B, et al. Le Resto U : une aide pour respecter le PNNS ? Cah Nutr Diet 2011;46: 21-9.<br /><em>* Brigitte Pavaut, diététicienne conseil au CROUS d’Aix-<br />Marseille depuis 2004.<br />** Conférence sur </em></strong><a href="http://www.alimentation-sante.org><strong><em>www.alimentation-sante.org</em></strong></link>"><strong><em>www.alimentation-sante.org</em></strong></a><br /><strong><em>*** CROUS : centres régionaux des oeuvres universitaires<br />et scolaires.</em></strong>
Août 2013
Choix alimentaire : comment le plaisir l’emporte sur la santé
<h2>L’étiquetage nutritionnel mis en place par les pouvoirs publics pour orienter les consommateurs vers une alimentation équilibrée a-t-il un impact ? Quelles sont ses limites ?</h2></br>La revue INRA Sciences sociales, dans son numéro de juin, analyse les conclusions de recherches effectuées sur l’impact des démarches d’étiquetage nutritionnel. Deux formes d’étiquetage se distinguent. L’une descriptive, très répandue en France (80 % des produits), est un tableau nutritionnel mis au dos de l’emballage, parfois accompagné d’une indication sur la contribution de la consommation du produit aux recommandations nutritionnelles journalières (RNJ). L’autre prescriptive, apposée en face avant, indique si la consommation du produit est à privilégier ou à limiter à l’aide d’un logo et/ou de couleurs permettant une identification rapide de la qualité nutritionnelle (feu tricolore, logo PNNS, coche verte...). Bien que les consommateurs sachent plutôt bien distinguer les produits nutritionnellement sains de ceux qui le sont moins, l’impact en termes d’amélioration de leur régime alimentaire est modeste. <h3>Sur la santé, le goût l’emporte</h3> La prédominance des dimensions hédoniques et gustatives sur celles de santé explique l’impact limité de l’étiquetage descriptif à plusieurs titres. D’après les études en psychologie cognitive, une information « plaisir », qui est retenue par le cerveau sur un mode affectif, sera traitée automatiquement de façon non consciente, alors qu’une information « santé » qui nécessite l’implication de fonctions cognitives ralentira la prise de décision. La multitude d’informations analytiques sur l’étiquette, en alourdissant le processus de décision, paraît alors inadaptée à la plupart des situations d’achat. De plus, la préférence pour l’immédiateté explique en partie que le plaisir gustatif, immédiat, l’emporte sur l’effet sur la santé promis dans un futur incertain. Par ailleurs, pour les catégories sociales aisées, ce qui est bon pour la santé sera a priori bon au goût, les choix nutritionnels intuitifs sont souvent en cohérence avec les recommandations, et changer de régime paraît accessible en termes de produit et de coût. En revanche, il n’en est pas de même pour les catégories moins favorisées pour qui les messages nutritionnels peuvent être reçus comme des restrictions aux normes du « bien manger » surtout si elles s’opposent aux préférences gustatives. En effet, pour les ménages modestes, l’alimentation est un des rares espaces de liberté où le plaisir est premier. Enfin, un consommateur privilégiant le goût pour un produit préférera ignorer l’aspect santé, et toute information ira à l’encontre de son plaisir ; voire, la mention d’une forte teneur en matières grasses peut être une valorisation positive du produit. <h3>L’offre commerciale s’y adapte</h3> Les industriels sont incités à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits du fait de l’obligation d’étiquetage pour les calories, le sucre, les matières grasses et le sel. Leur stratégie d’offre et d’étiquetage des produits reflète cette tension entre goût et santé. Ainsi, ils amélioreront la qualité nutritionnelle du produit, soit petit à petit et à l’insu du consommateur, soit ouvertement en en faisant l’allégation, soit encore, en mettant en avant des critères d’innovation sur des aspects autres que celui de la qualité nutritionnelle. Le changement vers une meilleure nutrition n’est possible qu’en maintenant en partie les habitudes collectives pour des préférences gustatives et ne passera à long terme que par une modification de ces préférences, tant il est clair que la santé occupe une place secondaire dans les choix alimentaires. Cependant, un étiquetage prescriptif, en mettant en avant la qualité nutritionnelle globale du produit, ne pourrait-il pas guider ces choix en suggérant des substitutions minimes, acceptables au plan hédonique et sans trop d’effets sur les prix, les normes sociales, la marque du produit, etc.? <h3>En conclusion</h3> L’étiquetage nutritionnel doit permettre de réaliser des substitutions de produits qui soient raisonnables sur le plan hédonique et économique au risque de réduire, voire d’inverser, les bénéfices attendu. <strong>D’après Ruffieux B, Soler LG. L’étique</strong><strong>tagen nutritionnel face à l’arbitrage goût-santé.<br />INRA Sciences sociales – résultat de recherches n° 5-6/2012 - Juin 2013.</strong>
Juin 2013
Cancer : la nutrition au coeur de la prévention
<h2>S’il n’existe pas d’aliment « anti-cancer », agir sur la nutrition fait partie d’une stratégie de prévention des cancers ainsi que l’a expliqué le Dr Paule Latino-Martel, coordinatrice du Réseau national alimentation cancer recherche (NACRe) à l’occasion des 51èmes Journées d’Études de l’AFDN.</h2></br>La hausse de l’incidence des cancers en France, qui a pratiquement doublé en 25 ans, ne s’explique pas seulement par l’augmentation de la population et son vieillissement, mais aussi par une exposition accrue à des facteurs de risque, dont certains sont « évitables ». En effet, les causes du cancer sont multifactorielles et font intervenir des caractéristiques individuelles (âge, sexe, patrimoine génétique, statut hormonal...), comportementales (tabagisme, nutrition...) et environnementales (agents infectieux, contaminants, précarité...). La nutrition fait partie des facteurs modifiables sur lesquels il est donc possible d’agir dans le cadre d’une stratégie de prévention des cancers. <h3>Une relation de causalité établie</h3> Le rôle de la nutrition (incluant l’alimentation, le statut nutritionnel et l’activité physique) en tant que facteur de risque et de protection vis-à-vis des cancers a donc été évalué par une expertise scientifique collective de l’ensemble des données disponibles selon une méthodologie rigoureuse. Des recommandations ont pu être établies à partir de niveaux de preuve jugés convaincants ou probables. Ainsi, le rapport d’expertise « Nutrition et prévention primaire des cancers », publié en 2007 par le Fonds mondial de recherche contre le cancer (WCRF) et l’Institut américain de recherche sur le cancer (AICR) et actualisé, fait aujourd’hui référence. Selon ces institutions, la mise en œuvre de ces recommandations nutritionnelles permettrait d’éviter environ un tiers des 12 cancers les plus communs dans les pays développés. <h3>Des objectifs spécifiques pour la France</h3> Dans le contexte de la population française, les facteurs nutritionnels pertinents en termes d’exposition dans le cadre d’une prévention primaire des cancers ont été déterminés par une expertise collective réalisée sous l’égide de l’Institut national du cancer (INCa), puis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en partenariat avec le réseau NACRe. Ainsi ont été identifiés avec un niveau de preuve convaincant ou probable les facteurs nutritionnels dont la surexposition ou la sous-exposition était en relation avec une augmentation ou une réduction du risque de cancer. Boissons alcoolisées, surpoids et obésité, excès de viande rouge et de charcuterie, excès de sels et d’aliments salés et compléments alimentaires à base de bêta-carotène sont associés à un risque accru de cancer. À l’inverse, activité physique, consommation de fruits et légumes et d’aliments contenant des fibres, et allaitement sont associés à une réduction du risque de cancer. À partir de ce constat, trois recommandations nutritionnelles pour la prévention primaire des cancers ont été définies: avoir une alimentation équilibrée et diversifiée, pratiquer une activité physique, réduire la consommation de boissons alcoolisées. En ce qui concerne la prévention tertiaire, c’est à-dire vis-à-vis des récidives et des seconds cancers dont le risque de développement est accru après un premier cancer, peu d’études épidémiologiques sont disponibles. Toutefois, une association nutrition — seconds cancers a été suggérée pour deux facteurs nutritionnels: la surcharge pondérale au diagnostic d’un cancer du sein et la consommation de boissons alcoolisées après un cancer des voies aérodigestives supérieures. Il apparaît ainsi que les trois recommandations nutritionnelles prioritaires en prévention primaire des cancers pour la population française s’appliquent également en prévention tertiaire pour réduire le risque de seconds cancers. <h3>En conclusion</h3> Avec en France une incidence estimée pour l’année 2011 à 365500 nouveaux cas et 3 millions de personnes ayant déjà eu un cancer, il est essentiel de renforcer toutes les stratégies de prévention des cancers. Il n’est jamais trop tard pour commencer à suivre les recommandations nutritionnelles car la maladie cancéreuse se développe sur des dizaines d’années. Corriger les excès ou les insuffisances doit se faire étape par étape selon des objectifs fixés sans en faire trop d’emblée au risque d’échouer. Il s’agit de jouer sur les quantités et les fréquences de consommation, tout en se faisant plaisir en savourant en petites quantités les aliments qu’il convient de limiter. <strong>D’après l’intervention « Nutrition et prévention primaire et tertiaire des cancers » du Dr Paule Latino-Martel, Unité de recherche en épidémiologie nutritionnelle (UMRn Inra 1125, Inserm U557, Cnam, université Paris XIII).</strong>
Avr 2013
Aide alimentaire : nouvelle enquête Abena
<h2>Réalisée pour la première fois en 2004-2005, l’enquête Abena sur l’alimentation et l’état nutritionnel des bénéficiaires de l’aide alimentaire en France a été reconduite durant l’hiver 2011 2012.</h2></br>Pour l’enquête Abena 2011-2012, plus de 2 000 adultes sur environ 4 500 sollicités ont accepté de participer, répartis sur différents territoires en France métropolitaine. Le recueil des données s’est effectué au sein même des structures d’aide alimentaire qui distribuaient soit des denrées, soit des repas. Pour plus de 420 personnes, un examen complémentaire clinique et biologique a été pratiqué en centre médical. Les résultats et leur évolution depuis 2004-2005 viennent d’être publiés*. <h3>Profil et conditions de vie</h3> L’enquête confirme l’hétérogénéité des personnes ayant recours à cette aide alimentaire en termes de situation familiale, emploi, logement et accès aux soins. Comme attendu, leur situation socioéconomique est très mauvaise. Si 41 % sont au chômage, 11 % ont un emploi et 10 % sont des retraités. La proportion des personnes de 65 ans et plus a également augmenté : 8,4 % contre 3,2% en 2004- 2005, de même que le nombre de personnes diplômées de l’enseignement supérieur. Les structures distribuant des repas sont fréquentées surtout par des personnes seules sans enfants (83,3 %) ; celles distribuant des denrées, par une population plus féminine (75,6 %) et moins âgée et constituée de 63,9% de personnes avec enfants (33,8 % de familles monoparentales, 30,1 % de couples) et 30% de personnes seules sans enfants. Près de 80 % de personnes fréquentant les structures distribuant des denrées vivaient dans leur logement, et environ 20% ne disposaient pas d’espace de stockage ni de congélateur. Le reste à vivre mensuel consacré à l’alimentation par personne était en moyenne de 68 € (2,3 €/ personne/jour versus 2,6 € en 2004-2005). <h3>Un état de santé préoccupant</h3> L’état de santé des personnes ayant recours à l’aide alimentaire demeure préoccupant. L’obésité touche près de 29 % de ces personnes, les femmes surtout (le double par rapport à la population générale). L’hypertension artérielle, également fréquente, concerne 48,5% des hommes et 39,3 % des femmes. Par rapport à l’enquête menée pendant l’hiver 2004-2005, ces deux pathologies sont en augmentation. La fréquence du diabète est également plus élevée que dans la population générale, notamment chez les femmes. Près d’une personne sur deux, surtout des femmes, déclarait des problèmes d’insomnie. <h3>Un apport nutritionnel insuffisant</h3> Beaucoup de bénéficiaires ont une seule prise alimentaire le soir et 39,5 % déclaraient moins de trois prises alimentaires la veille de l’enquête. Malgré une amélioration depuis 2004-2005 des fréquences de consommation de certains aliments, l’écart reste important avec les recommandations nutritionnelles. En particulier, pour les fruits et légumes, 6,5 % des personnes ayant recours à l’aide alimentaire déclarent en consommer 5 fois par jour ou plus et pour les produits laitiers, moins de 15 % disent pouvoir en manger 3 fois par jour. Concernant l’état nutritionnel des personnes, la diminution observée de la prévalence du déficit sévère en vitamine D et de l’anémie liée à une carence en fer encourage à poursuivre les actions visant à améliorer la qualité et la diversité des aliments proposés. <h3>Une aide souvent indispensable</h3> Pendant l’hiver 2011-2012, les structures de distribution de denrées alimentaires sont devenues la source exclusive d’approvisionnement en aliments non périssables (pâtes, farine, riz…), conserves ou lait UHT pour plus de la moitié des bénéficiaires de l’aide, soit plus du double de personnes par rapport à 2004-2005. Pour près d’un quart des bénéficiaires, les hard discounts représentent la première source d’approvisionnement pour le fromage, le beurre et autres laitages, les oeufs et les produits surgelés, et 1 personne sur 10 s’approvisionne en fruits et légumes frais à la fin des marchés ou dans les poubelles. À noter que le recours à l’aide alimentaire perdure : une personne sur deux fréquente les structures d’aide depuis plus de deux ans, alors qu’ils étaient 34,5 % lors de la première enquête. De plus, la proportion de bénéficiaires déclarant ne pas consommer pour des raisons de tradition des aliments distribués a baissé. Renforcer les actions de prévention, en particulier de proximité, et le dépistage des maladies chroniques apparaît prioritaire au regard des résultats de cette nouvelle enquête. <strong>*Grange D, et al. Alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l’aide alimentaire. Étude Abena 2011-2002 et évolutions depuis 2004-2005. ORS Île-de-France, InVS et Inpes, mars 2013.</strong>
Fév 2013
Besoins énergétiques : les experts se prononcent
<h2>À la demande de la Commission européenne, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a été mandatée pour donner son avis scientifique sur l’ensemble des valeurs nutritionnelles de référence (VNR) pour la population européenne. Dans ce contexte, elle se prononce aujourd’hui sur les VNR pour l’apport énergétique.</h2></br>Les derniers avis scientifiques émis au niveau européen en matière d’apports en nutriments et énergie datent de 1993. Leur révision et leur actualisation étaient nécessaires. D’autant plus que depuis, des comités scientifiques dans différents pays membres de l’Union européenne et aux États-Unis ont émis de nouveaux avis au niveau national sur les apports nutritionnels recommandés et que, malgré un consensus global, les avis diffèrent pour certaines recommandations. De plus, outre les nouvelles connaissances scientifiques, certains composants nutritionnels, par exemple les fibres, n’avaient pas été pris en compte en 1993 lors de l’avis du Comité scientifique de l’alimentation. C’est dans ce contexte que le groupe sur les produits diététiques, la nutrition et les allergies (NDA) de l’Efsa se prononce aujourd’hui sur les VNR pour l’énergie* – Average Requirement, équivalent du besoin moyen – du nourrisson à l’adulte. <h3>Comment les établir ?</h3> Les VNR en apport énergétique alimentaire fournissent la meilleure estimation des besoins énergétiques alimentaires des différents groupes de population au sein de l’Europe. Exprimées en besoins moyens selon l’âge et le sexe, elles sont néanmoins d’utilité limitée pour l’individu et doivent être adaptées selon la spécificité de l’objectif (évaluation nutritionnelle, élaboration de régime, développement de recommandation nutritionnelle…). De plus, la population cible doit être définie. Dans cet avis, la dépense énergétique totale (DET) a été choisie comme critère de base pour l’élaboration des besoins moyens en énergie. La DET sur 24 heures est la somme de la dépense énergétique de repos (DER), la dépense énergétique pour l’activité physique et l’effet thermique des aliments. Cette DET peut être mesurée par la méthode à l’eau doublement marquée, et la DER est utilisée à la place du métabolisme de base. Une des approches pour déterminer les besoins énergétiques consiste à utiliser des équations de régression qui montrent, pour une population définie et une activité physique constante, les variations de la DET en fonction de la taille et du poids. Une autre approche, choisie par le groupe d’experts pour l’estimation de la DET, consiste à multiplier la DER, estimée par l’équation de Henry, par un facteur traduisant l’intensité de l’activité de la personne, le NAP (niveau d’activité physique). Le NAP est estimé à partir du temps passé à différentes activités quotidiennes selon le type de travail (de bureau ou physique) et le mode de vie (tâches ménagères, courses, marche, exercice physique…). Il est de 1,4, 1,6, 1,8 et 2 pour une personne sédentaire, modérément active, très active et extrêmement active respectivement. En pratique, pour l’estimation de la DER chez l’adulte, les tailles correspondaient à celles relevées dans les enquêtes nationales de 13 États membres et les poids ont été calculés pour un indice de masse corporelle (IMC) de 22 kg/m2. Pour les enfants, ce sont les médianes des tailles et des poids issues des courbes de croissance harmonisées pour l’Europe ou des standard de l’OMS qui ont été utilisées. <h3>En pratique</h3> Le groupe a ainsi établi les besoins moyens selon l’âge, le sexe et le niveau d’activité pour un IMC sain présumé de 22. Pour les enfants, l’énergie supplémentaire pour la croissance était traduite par une augmentation de 1% du NAP pour chaque groupe d’âge. Pour la femme enceinte, pour une prise optimale de 12 kg, 70, 260 et 500 kcal/jour sont ajoutés pour le premier, deuxième et troisième trimestre de grossesse respectivement et 500 kcal/jour en postpartum en cas d’allaitement. Ainsi, sur la base d’un mode de vie modérément actif, les besoins moyens d’apport énergétique à l’âge de 17 ans par exemple sont de 2 300 et 2 900 kcal/jour pour les filles et les garçons respectivement. Pour l’adulte entre 70 et 79 ans, les besoins moyens seront de 1 800 kcal/jour pour la femme et 2 300 kcal/jour pour l’homme. À noter que le passage d’une activité modérée (NAP = 1,6) à une activité extrême multiplie ces besoins par 1,25. Ainsi, un homme de plus de 70 ans aura besoin de plus de 2 800 kcal/jour s’il est extrêmement actif. Aux experts de conclure à la nécessité d’adapter ces valeurs en tenant compte de la spécificité des objectifs souhaités, ainsi qu’au type de population/individu à laquelle/auquel elles sont destinées. <strong>* European Food Safety Authority (Efsa). Scientific opinion on dietary reference value for energy. EFSA Journal 2013;11:3005.</strong>