Des praticiens hospitaliers français décrivent quatre cas récents de nourrissons alimentés avec des jus végétaux et les conséquences graves de ce choix alimentaire.En mars 2013, l’Anses, dans le cadre d’une auto-saisine, pointait du doigt les risques liés à l’alimentation des nourrissons avec des boissons végétales en remplacement du lait maternel ou des laits infantiles spécialement formulés. D’après l’expertise réalisée par l’Agence, ces boissons ne permettent pas de couvrir intégralement les besoins nutritionnels spécifiques des nourrissons.
La présente étude de cas corrobore l’avis rendu par l’Anses, en s’appuyant sur quatre cas d’hospitalisation d’enfants au centre hospitalier universitaire de Lyon entre 2008 et 2011, âgés de deux mois et demi à 14 mois (voir tableau ci-dessous).
Cas n°1 | Cas n°2 | Cas n°3 | Cas n°4 | |
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Sexe/Âge | Masculin/9 mois | Masculin/14 mois | Masculin/13 mois | Masculin/2 mois et demi |
Boisson incriminée | Boisson à base de riz | Boisson à base de riz | Boisson à base d’amandes | Boisson à base de châtaignes, soja, noisettes, amandes |
Durée d’exposition | 2 mois | 1,5 mois | 3 semaines | 1,5 mois |
Signes cliniques | Syndrome de Kwashiorkor associé à des complications dermatologiques (éruption cutanée extensive) et infectieuses (pneumopathie puis sepsis) | Anémie carentielle profonde associée à une stagnation pondérale | Hypotonie avec retard mental, troubles de la ventilation et la déglutition | Hypotonie avec somnolence, otite perforée bilatérale, pneumopathie |
Evolution | Hospitalisation de 47 jours – Evolution favorable sous lait de croissance | Hospitalisation de 2 jours – Evolution favorable sous lait de croissance | Hospitalisation de 6 jours – Evolution favorable avec préparation de suite | Hospitalisation > 2 mois – Limitation thérapeutique – Décès 2 mois plus tard |
Les auteurs soulignent que les boissons végétales sont souvent abusivement appelées « lait », alors qu’elles ne sont en aucun cas des produits d’origine animale et que leur composition en est très éloignée. Ils accusent également un « marketing et un packaging suggestifs » entretenant la confusion.
Utilisés en remplacement des produits lactés par des parents suspectant une allergie aux protéines de lait de vache chez leur enfant, ou à la recherche de « naturalité » et rejetant les produits industrialisés, ils peuvent être à l’origine de carences diverses. Face à la grande variété des troubles métaboliques que ces carences génèrent, le diagnostic s’avère difficile, alors que la rapidité d’installation des symptômes est très rapide. Les auteurs indiquent qu’un régime restrictif parental ou une négligence du calendrier vaccinal sont des signaux susceptibles d’alerter le professionnel de santé.
Ils rappellent que l’allaitement maternel reste la référence jusqu’à l’âge de six mois. Les préparations pour nourrissons et les préparations de suite sont adaptées aux besoins des enfants et respectent une législation précise. Les auteurs appellent à une meilleure information des parents, via une réglementation plus stricte autour de la vente des boissons végétales et un signalement au dispositif de nutrivigilance.
D. Fourreau, N. Peretti, B. Hengy et al. (2013) Complications carentielles suite à l’utilisation de « laits » végétaux, chez des nourrissons de deux mois et demi à 14 mois (quatre cas). La Presse Médicale. Doi :10.1016/j.lpm.2012.05.029