La consommation de protéines animales diminue le pH urinaire mais n’a pas d’impact sur l’équilibre calcique, le métabolisme osseux et le risque de fracture ostéoporotique.Dans cet article, le Professeur Jean Philippe Bonjour revisite l’historique des arguments qui sous-tendent l’hypothèse selon laquelle une alimentation « acidifiante » liée à une consommation importante de protéines animale serait délétère pour l’os à l’inverse des « aliments alcalinisants ». Pour montrer que cette hypothèse oublie un élément essentiel : le rein.
Au milieu du 19ème siècle Claude Bernard a montré la relation entre alimentation et pH urinaire dans une expérience sur des lapins. Un siècle plus tard, des études caricaturales menées auprès de patients ayant une acidose liée à une insuffisance rénale et auprès de bien-portants auxquels ont avait administré du chlorure d’ammonium (!) à forte dose pour induire une acidose suggéraient un rôle de tampon du tissu osseux dans l’équilibre acido-basique. De là est née la théorie acide-base, qui est en fait fausse.
En effet, le pH sanguin est une variable très stable et finement régulée. L’organisme est équipé de plusieurs systèmes tampons sanguins capables de neutraliser les protons qui sont éliminés par voie respiratoire sous forme de CO2 alors que le rein, lui, est capable d’excréter les protons et de réabsorber les bicarbonates.
En l’absence d’insuffisance rénale, les protéines ingérées n’influencent pas le pH sanguin et ne sont donc pas acidifiante comme le démontrent de nombreuses études métaboliques récentes dans lesquelles on fait varier la quantité de protéines alimentaires. Quand l’ingestion de protéines alimentaires –animales ou végétales- augmente, le pH sanguin reste stable alors que le pH urinaire diminue, ce qui signifie tout simplement que le rein « fait son travail ». Le bilan calcique reste équilibré et tous les marqueurs osseux sont normaux.
A contrario, et comme on pouvait s’y attendre, l’ingestion d’aliments riches en potassium ou de sels alcalinisants (bicarbonate de potassium et citrates) pendant 2 ans n’a pas d’effet bénéfique (ni délétère) sur le statut osseux. Inutile de puiser dans le réservoir de calcium osseux : le bilan calcique reste équilibré et tous les marqueurs osseux sont normaux.
L’homme est bien adapté à de grandes variations alimentaires, quantitatives et qualitatives, et heureusement pour lui, la théorie acide-base ne résiste pas à l’analyse. C’est sans doute une des raisons qui ont assuré sa survie au cours de son histoire.
Bonjour JP (2013) Nutritional disturbance in acid-base balance and osteoporosis: a hypothesis that disregards the essential homeostatic role of the kidney, British Journal of Nutrition doi: 10.1017/S0007114513000962