L’intelligence artificielle, en particulier ChatGPT, peut être une ressource d’intérêt pour les praticiens en nutrition et diététique ou pour les personnes en quête d’informations sur ce sujet. Néanmoins, de nombreux risques sont associés à l’utilisation de ce nouvel outil.
Le lancement de ChatGPT en novembre 2022 a été un immense succès avec cent millions d’utilisateurs dénombrés, seulement deux mois après sa sortie. Dans le domaine de la nutrition et de la diététique, l’émergence de ChatGPT et de l’intelligence artificielle (IA) doit-elle être perçue comme une opportunité, en particulier en permettant à des professionnels ou des non-professionnels d’obtenir rapidement de l’information relative à un sujet spécifique, ou comme un risque ? ChatGPT pourrait-il porter préjudice aux diététiciens-nutritionnistes ou à leurs patients ? Une étude examine ces questions d’actualité.
Les auteurs rappellent tout d’abord que ChatGPT est une intelligence artificielle capable de générer du texte en fonction de questions qu’on lui pose. Les sources d’information utilisées par ChatGPT ne sont pas totalement connues ; parmi elles, on trouve des informations issues d’Internet, telles que des sites web généralistes, des forums publics, des conversations issues des réseaux sociaux ou encore des articles Wikipédia. ChatGPT ne produit donc pas du contenu en s’appuyant spécifiquement sur des bases de données scientifiques spécialisées. Par ailleurs, il est également important de noter que ChatGPT n’accède pas aux données postérieures à sa dernière mise à jour. ChatGPT n’est donc pas un moteur de recherche capable de diriger vers différentes sources de données bien identifiées.
Bien que ChatGPT puisse représenter une opportunité tant pour les praticiens en nutrition et diététique que pour leurs patients, il comporte également de nombreux risques :
Opportunités | Risques |
---|---|
Pour les professionnels, ChatGPT peut permettre : – de fournir une « opinion secondaire » instantanément sur un sujet spécifique ; – d’assister dans une démarche de brainstorming, par exemple dans le but d’identifier des hypothèses de recherche ou dans un objectif pédagogique (élaboration de questions d’examens par exemple) ; – de résumer rapidement des documents ; – d’adapter ses propres textes avec un ton plus adéquat et sans faute d’orthographe, par exemple pour des e-mails, des documents de promotion à la santé ou encore des demandes de financement ; – de jouer le rôle d’« orientation », car l’IA indique fréquemment dans ses réponses l’importance de consulter un professionnel de la diététique / nutrition agréé. Pour les patients / utilisateurs grand public, ChatGPT peut permettre : – d’obtenir gratuitement de l’information sur l’alimentation et les maladies associées, et ce de façon interactive et simplifiée ; – de faciliter la planification de menus, en donnant des idées de recettes en fonction des besoins personnels si l’utilisateur en mentionne (nombre de membres du foyer, âge, ingrédients à disposition, etc.). | – ne pas obtenir une information pertinente si l’on ne définit pas clairement le problème ou si l’on n’est pas en mesure d’affiner correctement la demande (« le prompt ») et d’évaluer l’exactitude des réponses ; – faire confiance à des informations erronées, incomplètes ou obsolètes, mais qui paraissent plausibles. Les auteurs ont par exemple demandé à ChatGPT de générer des menus pour des patients diabétiques ou des patients hémodialysés. Si la globalité des résultats est plutôt correcte, les auteurs ont relevé des propositions non optimales et répétitives. Dans un autre test, les auteurs ont demandé à ChatGPT de fournir des citations issues de sources scientifiques sur une thématique spécifique. La réponse a inclus certaines références totalement inventées, avec des auteurs connus, mais des titres d’article n’existant pas ; – faire confiance à des informations biaisées, dans le cas où ChatGPT est intégré à des applications commerciales ; – s’exposer à des problèmes éthiques liés à l’utilisation de données protégées ; – devenir dépendant de ChatGPT et des IA et réduire ainsi son esprit critique et sa capacité à traiter de l’information ; – faire face à une conduite académique malhonnête. Les auteurs invitent à évaluer les étudiants à l’oral en complément des écrits ; à utiliser des logiciels anti-plagiat et à avoir une relecture critique du ton utilisé par les étudiants dans leurs écrits ; et à faire de la pédagogie auprès des étudiants sur l’utilisation de cet outil ; – recevoir des textes offensants, empreints de préjugés, ou des conseils nutritionnels ne prenant pas en compte les obstacles sociaux, culturels, économiques, émotionnels ou encore psychologiques. |
Pour conclure, les auteurs insistent sur le fait que ChatGPT et l’IA d’une façon générale peuvent assister les professionnels de la nutrition, mais ne peuvent en aucun cas remplacer leur expertise, leur capacité de jugement ou encore leur empathie et leur capacité d’écoute. Il semble primordial que les professionnels de santé connaissent les atouts et les limites de cette technologie, pour leur usage propre, mais aussi pour accompagner et sensibiliser leurs patients désireux d’utiliser l’IA.
CHATELAN, A. CLERC, A. & FONTA, PA. « et col. » ChatGPT and Future Artificial Intelligence Chatbots: What may be the Influence on Credentialed Nutrition and Dietetics Practitioners? Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics, 2023, 123, 11, p. 1525-1529, doi: 10.1016/j.jand.2023.08.001.