Cet article s’attache à démontrer la nécessité pour les professionnels de santé d’utiliser les nouveaux médias, en particulier les réseaux sociaux, pour éduquer le grand public et contrer les informations diffusées par certaines organisations, en s’appuyant sur le cas de la fluoration de l’eau. La fluoration de l’eau consiste à additionner, de manière contrôlée, des ions fluorure dans le système d’eau potable public, pour réduire le risque de carie dentaire. Cette mesure de santé publique, décrite comme sûre et efficace par de nombreuses organisations de santé, notamment dentaires, est courante aux Etats-Unis (74% des Américains utilisant le système d’eau potable public en bénéficient) mais aussi en France.
Bien que la fluoration de l’eau soit une mesure de santé publique soutenue par de nombreuses organisations de santé pour lesquelles elle est sûre et efficace, de nombreux opposants actifs sur le net sont apparus et remettent en cause son innocuité, faisant œuvre de désinformation.
La présente étude, menée par un étudiant et un expert en santé dentaire, a comparé l’activité des « pro » et « anti » fluoration sur Internet et sur les réseaux sociaux pendant un an (de juin 2011 à mai 2012). Les trafics mensuels (nombre de pages consultées par mois) de plusieurs sites Internet ont été évalués : les sections « fluoration » des sites de l’Association dentaire américaine, des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, de Wikipédia et le site du réseau Fluoride Action Network, la principale organisation anti-fluoration.
Le site « anti » fluoration du Fluoride Action Network, avec une moyenne de 133 000 pages consultées par mois, a généré 60 fois plus de trafic que la section « fluoration » du site de l’Association dentaire américaine, et 5 fois plus que celle du site des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies.
La recherche « fluorure » ou « fluoration » aboutissait à près de 100% de groupes et pages « anti » sur Facebook, la recherche « fluoration » aboutissait à 99% de vidéos « anti » sur YouTube et 64% de tweets « anti » sur Twitter.
« Cancer », « inutile » et « toxique » étaient les trois principaux arguments avancés contre la fluoration dans les tweets.
Ces observations démontrent que l’information anti-fluoration domine significativement Internet et les réseaux sociaux. Alors que 72% des internautes américains ont recherché une information de santé sur la toile en 2013, les chercheurs estiment que des milliers de personnes sont ainsi mal informés chaque jour quant aux bénéfices de la fluoration en termes de sécurité, santé et économie.
L’information diffusée via les réseaux sociaux étant susceptible d’influencer les opinions des internautes et les organisations « anti » particulièrement visibles et efficaces sur ces réseaux, il en va de la responsabilité des professionnels de santé de s’adapter à cette nouvelle donne en optimisant leur présence sur la toile et en utilisant les réseaux sociaux en vue d’éduquer le grand public.
A. Mertz, M. Allukian Jr. (2014) Community water fluoridation on the Internet and social media, Journal of the Massachussetts Dental Society ; 63(2):32-6.