Cette étude japonaise confirme que la solitude au moment des repas constitue un facteur de risque de dépression du sujet âgé. Elle apporte une information supplémentaire : le fait de vivre seul augmente encore ce risque, de manière bien plus marquée chez les hommes que chez les femmes. Les chercheurs ont examiné l’association entre le fait de manger seul et la survenue d’une dépression chez 17 612 hommes et 19 581 femmes vivant au Japon âgés de plus de 65 ans, inclus dans la Japan Gerontological Evaluation Study (JAGES). Ils ont également cherché à savoir si le fait de vivre seul ou avec d’autres personnes avait un impact sur cette association. Les données ont été obtenues par des questionnaires envoyés aux sujets en 2010 puis en 2013. Les sujets ayant déclaré une dépression au début du suivi ont été exclus de la présente étude.
Chez les seniors vivant avec une autre personne, 11,5% des hommes et 11,3% des femmes déclaraient une dépression à la fin de l’étude en 2013. Chez les seniors vivant seuls, ils étaient 18,5% pour les hommes et 13,9% pour les femmes.
Une relation significative entre le fait de manger seul et la survenue d’une dépression, indépendamment des autres facteurs, est aussi mise en évidence.
Les chercheurs ont conduit une analyse sur un modèle ajusté pour de nombreux facteurs dont le statut socioéconomique, l’état de forme physique, le statut nutritionnel, l’engagement social (appartenance à des clubs, associations, etc.), le statut professionnel et le statut marital.
Les hommes vivant seuls et mangeant seuls présentaient un risque de dépression 2,36 fois plus élevé que les hommes vivant seuls et mangeant avec d’autres. Alors que le fait de vivre avec quelqu’un d’autre annulait cette augmentation du risque.
Risque de dépression des seniors mangeant seuls comparé aux seniors mangeant accompagnés (Hazard ratio ajusté (95% d’intervalle de confiance))
Sexe | Vit avec d’autres | Vit seul |
Homme (mange seul, référence:mange avec d’autres) | 1,03 (0,81-1,32 | 2,36 (1,18-4,71) |
Femme (mange seule, référence:mange avec d’autres) | 1,21 (1,01-1,44) | 1,31 (1,00-1,72) |
La tendance est la même chez les femmes mais de manière beaucoup moins marquée. Quand elles vivaient seules, le fait de manger seules augmentait de 1,31 fois le risque de dépression, comparé à celles qui mangeaient avec d’autres, contre 1,21 fois quand elles vivaient avec d’autres.
Les auteurs expliquent cette différence entre hommes et femmes par la structure sociale japonaise. En raison de la répartition traditionnelle des rôles domestiques au Japon, préparer les repas pourrait s’avérer être une tâche particulièrement stressante pour les hommes veufs ou vivant seuls.
Cette étude a d’importantes implications en termes de santé publique. Susciter des opportunités pour les sujets âgés de manger en groupe pourrait être un moyen efficace d’agir sur le maintien de leur santé mentale : en pratique, par exemple, favoriser la prise de repas dans des centres communautaires où les sujets pourraient manger avec les résidents, plutôt que la livraison de repas à domicile.
Tani Y., Sasaki Y., Haseda M. et col. (2015) Eating alone and depression in older men and women by cohabitation status : The JAGES longitudinal survey, Age and Ageing ; 44: 1019-1026