Une session spécifique était dédiée à l’endométriose aux Journées Francophones de Nutrition 2024 (JFN 2024). Une intervention a fait le point sur l’état des connaissances scientifiques entre cette pathologie et l’alimentation.
L’endométriose est une maladie gynécologique chronique et inflammatoire, liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine, en dehors de la cavité utérine. L’endométriose est parfois asymptomatique, mais elle peut également être à l’origine de douleurs invalidantes, de problèmes d’infertilité ou de symptômes intestinaux. On estime que l’endométriose touche environ 10 % des femmes en âge de procréer. Les facteurs de risque les plus probables sont un faible poids de naissance, un âge précoce aux premières règles, des cycles menstruels courts et un faible Indice de Masse Corporelle (IMC). Concernant les facteurs de risque modifiables (activité physique, tabagisme, consommation d’alcool, etc.) les données de la littérature ne sont pas cohérentes actuellement. Marina Kvaskoff (Villejuif) examine spécifiquement les liens entre l’endométriose et l’alimentation.
La chercheuse se penche principalement sur deux questions, qui sont souvent confondues dans les contenus de presse grand public :
1. Est-ce que la nutrition a un impact sur le risque de développer une endométriose dans la population générale ?
L’alimentation pourrait jouer un rôle dans l’étiologie de la maladie par le biais de différents mécanismes :
- la régulation du métabolisme des hormones stéroïdiennes ;
- l’effet sur les contractions musculaires et notamment utérines ;
- la régulation de l’inflammation, du stress oxydatif ou encore du cycle menstruel.
Marina Kvaskoff souligne tout d’abord les défis méthodologiques rencontrés dans l’étude des liens entre la nutrition et l’incidence de l’endométriose :
- Le risque de biais de causalité inverse : En raison de la difficulté et du délai moyen de diagnostic, qui s’étend de 7 à 12 ans, les études peuvent parfois analyser les changements alimentaires liés au diagnostic plutôt que les habitudes alimentaires antérieures à l’apparition de la maladie (cf. Figure 1).
- Le risque de biais de classement : Ce biais peut être lié à des cas asymptomatiques d’endométriose ou à des diagnostics basés sur un auto-rapport (inclusion d’autres pathologies gynécologiques dans le groupe témoin dans les études cas-témoin).
- La forte hétérogénéité de la maladie : Les variations dans les stades, les localisations et les types de symptômes de l’endométriose compliquent encore davantage les analyses.
Une méta-analyse (Arab et al., 2022) d’études conduites entre 2004 et 2020 met en évidence :
- qu’une consommation plus élevée de produits laitiers est associée à une baisse du risque d’endométriose de 10 % ;
- que les personnes qui mangent plus de viande rouge sont plus à risque de développer une endométriose (hausse du risque de 17 %) ;
- que l’ingestion d’une quantité plus importante d’acides gras trans-insaturés et d’acides gras saturés est également associée à un risque accru de développer une endométriose.
Marina Kvaskoff fait ensuite un focus sur une étude prospective (Dougan et al., 2024) de grande ampleur et permettant de réduire le biais de causalité inverse en raison de mesures répétées dans le temps sur une longue période : la Nurses’ Health Study II, quimontre que les personnes qui ont un profil alimentaire de type Western diet ou de type pro-inflammatoire présentent un risque augmenté d’endométriose. En revanche, les femmes qui présentent une alimentation globale de bonne qualité (mesurée par l’index AHEI : Alternative Healthy Eating Index) sont moins à risque de développer une endométriose.
2. Est-ce que la nutrition a une influence sur les symptômes de la maladie chez les patientes atteintes d’endométriose ?
La chercheuse présente les résultats d’une méta-analyse (Kleinkauff Meneghetti et al., 2024) très récente qui inclut 11 essais contrôlés randomisés. Les interventions consistaient en la prise d’huile de poisson, de vitamines (A, B6, C, D, E), de minéraux, de probiotiques ou d’autres compléments alimentaires. Ces études ne permettent pas de mettre en évidence de liens significatifs entre ces interventions et l’intensité des symptômes des personnes atteintes d’endométriose. Marina Kvaskoff souligne le fait que les données actuelles ne permettent pas de déterminer si l’adhérence à un régime alimentaire spécifique ou simplement à une alimentation saine peut aider à supprimer les symptômes douloureux de la maladie (Nap et de Roos, 2022). Actuellement, les recommandations de suivre une alimentation saine, voire « anti-inflammatoire », sont données de manière empirique.
En conclusion, la chercheuse insiste sur le besoin des réaliser des études interventionnelles pour évaluer l’impact de l’adoption de différents régimes alimentaires sur les symptômes et la qualité de vie, mais aussi des études observationnelles, afin d’examiner les multiples caractéristiques des patients et affiner les recommandations nutritionnelles selon le profil des patientes et de leur maladie.
Symposium « ENDOMÉTRIOSE ET NUTRITION ». Journées Francophones de la Nutrition à Strasbourg le 5 décembre 2024.