Les Journées Francophones de Nutrition se sont déroulées cette année entre le 25 et le 27 novembre. Exceptionnellement, en raison du contexte sanitaire lié à la Covid-19, elles ont eu lieu uniquement en digital. La Covid-19 s’est également invitée au sein des sessions scientifiques : plusieurs conférences ont en effet abordé les conséquences nutritionnelles liées à la Covid-19 et aux mesures sanitaires associées.
Confinement et comportement alimentaire des enfants
Entre le 17 mars et le 10 mai 2020, les Français ont dû se plier à de nouvelles règles de vie consécutives au confinement décrété pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Kaat Philippe (CSGA, Dijon) a réalisé une étude auprès de 498 parents afin d’examiner les conséquences de ce confinement sur les comportements alimentaires des enfants âgés de 3 à 12 ans et sur les pratiques éducatives parentales en matière d’alimentation. Les pratiques pendant le confinement ont été comparées à celles le précédant, de façon rétrospective, au moyen d’un questionnaire en ligne.
Les parents rapportent plusieurs modifications significatives dans le comportement alimentaire de leur enfant : des augmentations de la réactivité alimentaire chez 45 % des participants (l’enfant réclame plus souvent à manger), du « manger émotionnel » (32 %), de l’appétit (33 %) et du plaisir à manger (28 %). Plus de la moitié des parents constatent par ailleurs un niveau d’ennui plus élevé chez leur enfant pendant le confinement. Cet ennui accru est associé à la hausse du « manger émotionnel », de la réactivité aux aliments et de la fréquence des collations hors repas.
Près de deux tiers des parents (65 %) déclarent des changements pour au moins une dimension de leurs pratiques éducatives en matière d’alimentation. Ces changements témoignent d’une augmentation de la flexibilité et de la permissivité des parents : moins de règles concernant les horaires de repas, les lieux de consommation ou encore le type d’aliments consommés. Pour 40 % des parents, le confinement est accompagné d’un niveau augmenté de stress. Cette hausse du stress est associée à l’augmentation du niveau d’autonomie laissée à l’enfant vis-à-vis des quantités consommées, ainsi qu’à la détérioration de l’ambiance au cours des repas.
A noter enfin que 66 % des parents rapportent une hausse de la quantité de plats « faits maison » et 72 % une augmentation du temps passé à cuisiner avec leur enfant. Au cours du volet qualitatif de l’étude, les parents déclarent vouloir maintenir, après le confinement, ce temps consacré à la préparation des repas.
En conclusion, cette étude met en évidence des effets positifs et négatifs du confinement sur l’alimentation des enfants au sein des familles. Si les moments de partage en cuisine sont appréciés par les familles, l’ennui de l’enfant et le stress parental génèrent des comportements alimentaires moins structurés.
Impact du confinement sur l’alimentation et l’activité physique : le cas des adultes
Mélanie Deschasaux (EREN, Paris) présente les résultats d’une étude menée auprès de plus de 37 000 adultes de la cohorte Nutrinet Santé, examinant les impacts du 1er confinement 2020 sur leur alimentation et leur activité physique.
Les résultats mettent en évidence des modifications des habitudes alimentaires durant le confinement chez 56 % des participants. Elles sont principalement liées aux changements du mode de vie (disparition des repas au restaurant pour 20,5 %, plus de temps passé à cuisiner des plats « maison » pour 40,4 %), aux modes d’approvisionnement (moins de sorties donc moins de produits frais pour 27,4 %), à des choix volontaires (réduction de certains aliments pour ne pas prendre du poids pour 21,1 %) ou encore aux émotions (consommation augmentée par ennui (18,2 %) ou par anxiété (10,8 %)). A noter que, si 21,9 % de la population grignotent davantage pendant le confinement, 9,4 % diminuent les prises alimentaires hors repas.
Concernant les consommations alimentaires, si celles de poissons frais, viande rouge fraîche, sandwichs et pizzas sont nettement diminuées pendant le confinement, celles de pommes de terre, légumes secs, fromages, biscuits et confiseries sont par contre augmentées. Les fruits et légumes frais sont, quant à eux, plus consommés en période de confinement dans une partie de la population et moins dans une autre.
Si la sédentarité augmente pour deux tiers de l’échantillon et l’activité physique diminue pour la moitié, la chercheuse met en avant que le confinement a des effets contrastés dans la population :
- apports énergétiques augmentés pour 25 % (+ 468 kcal), diminués pour 33 % (- 510 kcal) ;
- poids en hausse pour 35 % (+ 1,8 kg), en baisse pour 23 % (- 2,0 kg).
Enfin, une analyse complémentaire a permis d’identifier trois clusters présentant chacun une typologie spécifique de réactions au confinement :
- un cluster stabilité (42,9 %): pas de modification des comportements (personnes plutôt âgées, de sexe masculin, niveau d’éducation moins élevé, lieu de travail inchangé) ;
- un cluster détérioration (37,4 %): poids augmenté, activité physique diminuée, détérioration de l’alimentation (personnes plus jeunes, niveau d’éducation élevé, revenus plutôt bas, télétravail avec des enfants à la maison) ;
- un cluster amélioration (19,8 %): qualité augmentée de l’alimentation, temps passé à cuisiner plus important, volonté d’équilibrer son alimentation (niveau d’éducation élevé, plus hauts revenus, télétravail sans enfants à la maison).
En conclusion, cette étude met en évidence des effets contrastés du confinement, avec des inégalités liées aux différences de situations professionnelles, de revenus ou encore de composition du foyer.
Conséquences nutritionnelles de la Covid-19 chez les patients hospitalisés
Marie-France Vaillant (CHU de Grenoble) présente les résultats de NutriCoviD30, une étude nationale multicentrique longitudinale menée dans 11 hôpitaux français auprès de 403 patients hospitalisés Covid. L’objectif de cette étude est d’évaluer chez ces patients l’impact de la Covid-19 sur les apports alimentaires (mesurés par le SEFI : Score d’Evaluation Facile des Ingesta) et sur le poids. L’échantillon est constitué de 63 % d’hommes, l’âge moyen des participants est de 62,2 ± 14,2 ans et l’Indice de Masse Corporelle (IMC) moyen avant la maladie (T0) est de 28,8 ± 5,3 kg/m². A noter aussi que la durée médiane de séjour à l’hôpital est de 13 jours.
La plupart des patients présentent des modifications des apports alimentaires sur la période comprise entre T0 (avant la maladie), T1 (pendant l’hospitalisation) et T2 (30 jours après la sortie de l’hôpital). Le SEFI médian à T1 suggère une baisse de 70 % des apports alimentaires par rapport à T0. A T2, presque la totalité des patients déclare avoir retrouvé un apport alimentaire équivalent à l’apport habituel.
Concernant le statut pondéral, la perte moyenne de poids à T1 est de 7,6 ± 5,9 %, soit une baisse de 6,5 ± 5,4 kg. A T2, les patients n’ont récupéré en moyenne que la moitié des kilos perdus ; en effet, comparativement à T0, la perte de poids à T2 est de 4,2 ± 5,0 %, soit 3,8 ± 4,7 kg. La chercheuse met en lumière que 67 % des patients étaient dénutris pendant l’hospitalisation (T1) et 41 % l’étaient encore, un mois après la sortie de l’hôpital (T2).
La perte d’appétit, les dégoûts alimentaires ou encore une très grande fatigue ont été identifiés comme étant des facteurs aggravant la perte de poids à T1. Les antécédents de diabète et un IMC supérieur à 25 kg/m² sont, quant à eux, des facteurs aggravant la perte de poids à T1 et à T2.
Enfin, il apparaît que les patients recevant des Compléments Nutritionnels Oraux (CNO) pendant leur hospitalisation présentent une récupération de poids améliorée entre T1 et T2 (+ 4,3 % du poids initial avec CNO vs + 3,1 % sans CNO ; P = 0,009). Les CNO prescrits aux patients pour le retour à domicile sont également associés à une meilleure récupération de poids à T2 (+ 1,6 %, P = 0,001).
Cette étude met en évidence les conséquences importantes de la Covid-19, chez les patients hospitalisés, sur les apports alimentaires et sur le poids. La chercheuse alerte sur le fait que 113 patients ont déclaré ne pas avoir repris, de façon volontaire, leur poids initial. Ce dernier point met en lumière l’importance de la prise en charge de l’obésité sarcopénique et du support nutritionnel.