L’intolérance au lactose est le lieu de nombreuses confusions et idées préconçues. D’une part, la malabsorption du lactose et l’intolérance au lactose sont souvent confondues, alors que la première est fréquente mais n’entraîne pas toujours la seconde. D’autre part, en cas d’intolérance au lactose avérée, l’éviction du lait est parfois prescrite alors que le plus souvent elle n’est pas indispensable et que la prise en charge vise au contraire à maintenir la consommation de lait et de produits laitiers. La lactase (ß galactosidase) est une enzyme localisée sur la bordure en brosse de l’intestin grêle nécessaire à l’hydrolyse du lactose, disaccharide présent dans le lait. L’hypolactasie correspond à la diminution de la synthèse de lactase. Elle peut avoir trois causes distinctes :
- une pathologie extrêmement rare qui se manifeste dès la naissance et entraîne un déficit congénital complet. On ne recense qu’une quarantaine de cas dans le monde.
- le déclin physiologique de l’activité lactasique lié à l’âge, c’est le déficit primaire.
- une réduction de la surface digestive (par chirurgie) ou à une affection digestive qui altère la muqueuse intestinale, c’est le déficit secondaire.
L’hypolactasie physiologique primaire liée à l’âge est de loin la plus fréquente. Il ne s’agit pas d’une absence totale de lactase. Elle est génétiquement déterminée et, contrairement à une croyance populaire, elle n’est pas influencée par la poursuite ou l’arrêt de la consommation de lait.
En cas d’hypolactasie, lorsque la quantité de lactose ingérée dépasse les capacités d’hydrolyse de la lactase, une partie du lactose n’est pas hydrolysée, on parle de malabsorption.
Au niveau de l’intestin grêle, le lactose non digéré peut provoquer un appel d’eau par effet osmotique et ainsi accélérer le transit. Au niveau du côlon, le lactose métabolisé par la flore microbienne produit des acides gras à chaîne courte et des gaz (hydrogène, CO2). Dans certains cas, il s’ensuit des symptômes variés : ballonnements, borborygmes, douleurs abdominales, diarrhées, mais aussi constipation ou céphalées.
Si la malabsorption du lactose génère des troubles digestifs, dans ce cas seulement, on parle d’intolérance au lactose. En effet, la malabsorption du lactose est le plus souvent asymptomatique. Par ailleurs, des études réalisées en double aveugle ont montré que les autodiagnostics sont faux dans plus de la moitié des cas et que des facteurs physiologiques et psychologiques pouvaient mimer les symptômes de l’intolérance au lactose. Le syndrome de l’intestin irritable et certains glucides fermentescibles (FODMAPS) participent aussi aux erreurs de diagnostic.
La tolérance est améliorée par le fractionnement et le ralentissement de la vidange gastrique (aliments solides, lipides, viscosité…).
Le lait boisson est mieux toléré lorsqu’il est entier plutôt que écrémé, de même pour le lait associé à d’autres aliments (cacao, céréales,…) ou incorporé à des recettes (quiche, clafoutis, purée,…) comparé au lait seul. Il existe aussi des laits délactosés.
Les fromages affinés, du fait de leur forme solide, de leur teneur en lipides et de leur très faible teneur en lactose (éliminé presque totalement lors de la fabrication) sont bien tolérés.
Les laits fermentés (kéfir, koumis,…) sont assez bien tolérés du fait de l’activité lactasique associée. De même pour le yaourt, dont la teneur en ferments lactiques vivants est garantie, auquel l’EFSA a accordé en 2010 l’allégation « aide à la digestion du lactose les personnes qui le digèrent mal ».
Plus généralement, la consommation de produits laitiers au cours d’un repas est mieux tolérée que quand elle est isolée. Il faut aussi noter que la consommation régulière de lactose semble induire des modifications de la flore intestinale qui améliorent la tolérance, sans modification de l’activité lactasique.
Finalement, la plupart des insuffisants en lactase avérés tolèrent 12 g de lactose par jour (équivalent à environ 250 ml de lait en une seule prise).
L’objectif de la prise en charge est de limiter les troubles digestifs. La stratégie de prise en charge nutritionnelle doit permettre au patient d’adapter lui-même sa consommation à sa tolérance, sans suppression inutile et en préservant des apports en calcium suffisants.
A lire aussi, sur la conférence de consensus du NIH sur l’intolérance au lactose de 2010 : ici.
Morin M.C. (2015), Prise en soin diététique de l’intolérant au lactose : quand et comment ? Information Diététique ; 3 :20-30.