Quand il s’agit de tolérer ou non le lactose, tous les individus ne sont pas égaux. En effet, 70 % de la population adulte dans le monde n’exprime pas le gène de la lactase, enzyme située dans l’intestin grêle et nécessaire à la digestion du lactose. Chez ces personnes qui ont le génotype LNP ou lactase nonpersistent, la consommation des produits laitiers peut être suivie de troubles gastrointestinaux (diarrhées, douleurs abdominales et flatulences) liés à l’excès de lactose non digéré dans l’intestin.
Il est admis et démontré que la majorité des individus LNP peuvent consommer environ 12 g de lactose par prise alimentaire (l’équivalent de 250 ml de lait) sans présenter d’inconfort digestif, en particulier lorsque cette consommation est associée à d’autres aliments. Une explication possible étayée par des études in vitro et in vivo serait l’adaptation du microbiote intestinal et l’enrichissement en bifidobactéries induits par des prises répétées de produits laitiers. En effet, les bifidobactéries expriment la β-galactosidase qui est capable de dégrader le lactose en glucose et galactose sans induire la production de gaz (hydrogène, carbone ou méthane), à la différence d’autres bactéries comme les bactéroïdes et Escherichia.
Une étude prospective incluant 25 adultes porteurs du génotype LNP
La présente étude prospective interventionnelle menée en aveugle chez un groupe de patients LNP avait pour but d’explorer l’adaptation du microbiote intestinal et l’impact sur les symptômes gastro-intestinaux induits par l’ingestion répétée de doses croissantes de lactose. Pour ce faire, 25 adultes (âge moyen 29 ans, femmes 67 %, IMC 22,4 ± 2,7 kg/m2) en bonne santé, d’origine asiatique et porteurs du génotype LNP, ont été inclus dans cet essai de 12 semaines. Les participants ont exclu les produits laitiers de leur alimentation au minimum 4 semaines avant l’essai.
La prise quotidienne de lactose répartie en deux prises par jour était augmentée de façon progressive chaque mois de 6 à 12 puis 24 g. Des échantillons de selles ont été collectés avant et après intervention. Un test à l’hydrogène expiré (HBT) après une dose de charge de 25 g de lactose a été réalisé également avant et après l’intervention. Les symptômes gastro-intestinaux quotidiens et les scores totaux de symptômes (TSS) durant le test de provocation au lactose ont été enregistrés. L’analyse finale a porté sur 24 participants qui ont complété l’étude (1 perdu de vue).
Une consommation progressive et répétée de lactose a été associée à un enrichissement en bifidobactéries
L’analyse génomique des échantillons de selles a montré une augmentation significative de l’abondance relative de bifidobactéries (incluant B. adolescentis and B. longum) après l’intervention [de 5,5 % ± 7,6 % à 10,4 % ± 9,6 %, p = 0,009]. Cet enrichissement en bifidobactéries s’est accompagné d’une multiplication par 2 de l’activité de la β-galactosidase fécale à la fin des 12 semaines versus avant l’intervention. Une diminution significative de l’hydrogène expiré a été observée pendant le deuxième test HBT (38 ± 35 ppm⋅min), par rapport au test de base (57 ± 38 ppm⋅min). Par ailleurs, une diminution non significative du TSS a été observée. La consommation quotidienne de lactose a été bien tolérée et aucune plainte gastro-intestinale n’a été signalée pendant l’intervention.
Ces résultats suggèrent que l’augmentation des niveaux de bifidobactéries au cours d’une consommation répétée et progressive de lactose serait le signe d’une adaptation du microbiote intestinal. Les bifidobactéries métabolisent le lactose sans produire de gaz, réduisant ainsi potentiellement les douleurs abdominales et flatulences chez les individus présentant le génotype LNP. Dans cette étude les individus porteurs du génotype LNP ont bien toléré un apport quotidien équivalent à 2 verres de lait, lorsque celui-ci a été introduit progressivement en amont.
Lonneke JanssenDuijghuijsen, et coll. Changes in gut microbiota and lactose intolerance symptoms before and after daily lactose supplementation in individuals with the lactase nonpersistent genotype. The American Journal of Clinical Nutrition,2023,ISSN 0002-9165,https://doi.org/10.1016/j.ajcnut.2023.12.016.