Les enfants vivant dans des foyers en situation d’insécurité alimentaire ont le plus souvent conscience des difficultés des adultes à fournir la nourriture nécessaire pour nourrir tous les membres de la famille. Cette insécurité alimentaire a des impacts psychologiques, sociaux et physiques chez ces enfants.
Les membres des foyers en situation d’insécurité alimentaire, en particulier les enfants, expérimentent de nombreuses conséquences négatives sur le plan de la nutrition et de la santé. Si la plupart des travaux scientifiques examinent ces impacts délétères d’un point de vue quantitatif, une étude examine les effets de l’insécurité alimentaire chez les enfants sous un angle qualitatif. Les auteurs de cette revue de littérature et synthèse méta-ethnographique explorent en effet l’expérience vécue par ces enfants sur le plan de la nutrition, de la santé et du bien-être en prenant en compte à la fois le point de vue de l’enfant (quand l’âge le permet) et celui des parents (ou des adultes responsables). Au total, 19 articles ont été pris en compte dans cette synthèse, incluant plus de 800 participants (365 enfants âgés de 18 mois à 17 ans et 447 adultes responsables) issus de 8 pays européens.
Concernant la diète de l’enfant vivant dans un foyer en situation d’insécurité alimentaire, il apparaît globalement que la qualité de l’alimentation est particulièrement impactée par une faible variété alimentaire et/ou par des rythmes alimentaires perturbés. Les adultes rapportent en effet plusieurs éléments allant dans ce sens :
- le fait d’être fortement contraint par les prix laisse très peu de possibilité de choix lors des achats alimentaires ;
- la difficulté à fournir continuellement des repas à l’enfant ;
- l’impasse fréquemment faite sur le petit-déjeuner ;
- l’instabilité de la structure alimentaire, en particulier en fin de mois ;
- la pression sur le budget alimentaire qui s’exerce au moment des vacances scolaires, ou celle liée à la croissance de l’enfant ;
- l’obligation de considérer l’alimentation comme un carburant plutôt que comme un plaisir.
Pour essayer de limiter la monotonie alimentaire et de réduire le gaspillage, les adultes mettent en avant la nécessité de mettre en place des stratégies ; ils soulignent par exemple l’importance de savoir faire preuve de créativité en cuisine.
Le point de vue des enfants corrobore celui des adultes :
- ils décrivent en particulier le fait d’aller à l’école ou d’aller se coucher en ayant faim ;
- si cet état de faim problématique n’est pas systématiquement présent, les enfants ressentent par contre constamment la notion de compromis alimentaire au sein du foyer ;
- ils se rendent compte également qu’ils reçoivent moins souvent que d’autres enfants des aliments spécifiques (friandises, etc.), pour des occasions exceptionnelles ou simplement comme « récompenses ».
Les auteurs font un focus sur l’alimentation des plus petits ; il apparaît que les adultes sont particulièrement inquiets de la façon dont ils nourrissent leurs enfants aux plus jeunes âges. La durée de l’allaitement maternel est parfois réduite pour des raisons culturelles (par exemple chez les personnes migrantes), par manque d’intimité dans le logement ou encore pour faciliter la possibilité de travailler. Certains nourrissons, avant la diversification alimentaire, consomment trop tôt du lait de vache à la place de formules infantiles, pour des raisons économiques.
Pour éviter le gaspillage alimentaire, les adultes déclarent aussi éviter de proposer à l’enfant un aliment qu’il a précédemment refusé ou un aliment qu’il risquerait de ne pas aimer.
Les résultats de cette analyse montrent que les enfants sont la plupart du temps conscients de la difficulté des adultes pour approvisionner le foyer en nourriture. Ils décrivent la façon dont les parents font des sacrifices et mettent en place des stratégies pour subvenir aux besoins du foyer. Les enfants expriment de la gratitude pour ce qu’ils ont effectivement à manger et certains enfants disent même modérer leurs besoins alimentaires ou se limiter afin de partager les quantités disponibles entre tous les membres du foyer. Certaines études rapportent à quel point les adultes ont conscience de ce rôle protecteur endossé par les enfants. Les adultes déclarent également que cette situation d’insécurité alimentaire rend l’enfant mature de façon très précoce en raison de cette responsabilité.
Les auteurs mettent aussi en évidence qu’au-delà de l’aspect nutritionnel, l’insécurité alimentaire participe à une certaine fragilité de l’enfant, et ce, dans plusieurs domaines :
- fragilité émotionnelle et psychologique : les enfants vivent dans une tension permanente liée à cette insécurité et expriment une grande anxiété. Certains enfants déclarent être un fardeau pour leur famille ou encore se sentent coupables de voir les adultes se priver d’alimentation pour eux ;
- fragilité sociale : l’insécurité alimentaire est à l’origine d’un sentiment d’exclusion sociale pour les enfants, en particulier par le fait de ne pas pouvoir participer aux pratiques alimentaires communes aux autres enfants, pour des raisons économiques ;
- fragilité physique : les adultes et les enfants rapportent des difficultés physiques associées à l’insécurité alimentaire, en particulier des impacts digestifs tels que des constipations, des maux de ventre ou encore simplement le fait de se sentir mal en raison de la faim.
Pour conclure, les auteurs mettent en lumière les différents réseaux participant à limiter l’insécurité alimentaire des enfants vivant au sein de foyers en difficulté. Au-delà des adultes en charge de ces enfants, ils citent les réseaux informels tels que les grands-parents ou les amis ou les réseaux plus formels tels que les écoles, les crèches, les banques alimentaires ou encore les mesures gouvernementales propres à chaque pays.
BELL, Z. SCOTT, S. VISRAM, S. « et col. » Children’s nutritional health and wellbeing in food insecure households in Europe: A qualitative meta-ethnography. PLoS ONE, 2023, 18, 9, e0292178, doi: 10.1371/journal.pone.0292178.