L’étude à l’âge adulte des conséquences d’expériences traumatisantes pendant l’enfance est souvent difficile en raison de la tendance des adultes à sous-déclarer ce type d’événements. La littérature scientifique a néanmoins déjà mis en évidence un lien entre le fait de vivre des expériences traumatisantes ou stressantes pendant l’enfance (telles que des actes de violence, des abus ou des négligences) et les conduites à risques (hyperphagie boulimique, addictions alimentaires) ou encore les maladies chroniques (obésité, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2 et cancer) à l’âge adulte. Une étude de cohorte utilise les données de plus de 5 000 enfants pour examiner les éventuelles relations entre le vécu de traumatismes pendant l’enfance et la qualité de l’alimentation à 10 ans.
Le vécu d’expériences traumatisantes et stressantes a été recueilli au moyen d’un questionnaire spécifique de 15 questions soumis à l’enfant, issues en particulier du questionnaire CASE (Child and Adolescent Survey of Experiences : Child Version). Ces expériences ont ensuite été classifiées en cinq catégories :
- Abus/maltraitance ;
- problèmes scolaires ;
- décès/maladie grave ;
- changement de vie ;
- dysfonctionnement au sein du foyer.
Les consommations alimentaires de l’enfant ont également été enregistrées et cinq modèles alimentaires ont été identifiés :
- Alimentation équilibrée ;
- Consommations faibles (en particulier de fruits, légumes, yaourt, fromage, œufs) ;
- Alimentation dense en énergie (consommation élevée d’aliments tels que des pizzas, chips, gâteaux, sodas) ;
- Snacks (consommation élevée d’aliments entre les repas) ;
- Consommations intermédiaires (en particulier des aliments denses en énergie et des aliments de type snack).
Pour évaluer le lien entre les expériences traumatisantes et l’alimentation, l’étude à été faite de façon à ce qu’un enfant appartienne à seulement 1 des 5 modèles alimentaires.
Les résultats (ajustés sur les principaux facteurs de confusion dont les revenus du foyer et la structure familiale) suggèrent une relation dose effet entre le nombre total d’expériences traumatisantes vécues pendant l’enfance et une qualité de l’alimentation diminuée. En effet, les enfants rapportant 4 ou 5 événements traumatisants présentent plus de risque de suivre un modèle alimentaire de type « dense en énergie » comparativement à ceux n’en rapportant pas (rapport des cotes ou odds ratio OR = 2,41 ; IC99% = [1,00 ; 5,77]). Cet effet est encore plus marqué chez les enfants rapportant 6 traumatismes ou plus (OR = 2,65 ; IC99% = [1,10 ; 6,39]).
Le nombre total d’expériences traumatisantes est aussi associé à un risque plus élevé de suivre une alimentation de type « consommations faibles » (OR = 1,06 ; IC99% = [1,00 ; 1,12]). Les auteurs mettent en particulier en avant le fait que les enfants rapportant des expériences de type « abus » présentent un risque augmenté de 28 % de suivre une alimentation de type « consommations faibles », comparativement à ceux ne rapportant pas ce type de traumatisme.
Pour conclure, cette étude met en lumière le fait que plus les enfants vivent d’expériences traumatisantes avant l’âge de 10 ans, plus le risque d’avoir des habitudes alimentaires défavorables à la santé à cet âge augmente. Les auteurs suggèrent que le stress engendré par ces expériences pourrait favoriser l’inflammation et affecter la réponse hormonale, entraînant ainsi une diminution de la capacité d’autorégulation et l’engagement dans des conduites alimentaires à risque.
FERREIRA, P. FRAGA, S. & OLIVEIRA, A. Association of adverse childhood experiences with dietary patterns of school-age children: evidence from the birth cohort Generation XXI. The American Journal of Clinical Nutrition, 2024, 120, 2, p. 328-335 (doi: 10.1016/j.ajcnut.2024.06.003).