L’édition 2019 des Journées Francophones de Nutrition (JFN) s’est déroulée du 27 au 29 novembre à Rennes. Coup de projecteur sur deux problématiques spécifiques : l’insécurité alimentaire en France et la transition nutritionnelle aux Antilles françaises.
Insécurité alimentaire et consommations
France Caillavet (INRA) présente des résultats issus de l’enquête Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires 3 (enquête INCA 3 représentative de la population française), concernant les liens entre la situation d’insécurité alimentaire en France et les consommations alimentaires ainsi que les apports nutritionnels. D’un point de vue méthodologique, la chercheuse précise que l’insécurité alimentaire est un concept subjectif qui se mesure à partir du ressenti des personnes interrogées. Dans le cas d’INCA 3, c’est le questionnaire HFFSM (Household Food Security Scale Module) qui a été utilisé auprès des 2121 adultes inclus.
Les résultats montrent que 9,7 % de la population d’étude se considèrent en situation d’insécurité alimentaire, parmi lesquels 3,5 % en insécurité alimentaire sévère. L’insécurité alimentaire est associée à plusieurs facteurs socio-démographiques : elle est plus élevée parmi les femmes, les jeunes adultes, les personnes divorcées ou séparées, ou encore celles ayant un niveau d’étude bas et de faibles revenus.
Les personnes en situation d’insécurité alimentaire consomment en moyenne significativement plus de pâtes, riz et céréales raffinées (84,1 g/j IC95% = [65,2 ; 103,4]) que celles en sécurité alimentaire (60,2 g/j IC95% = [54,5 ; 65,9]). A l’inverse, la ration des groupes d’aliments suivants est diminuée parmi les personnes en situation d’insécurité alimentaire :
- yaourts et fromages blancs (58 vs 79 g/j) ;
- viandes (hors volailles) (37 vs 48 g/j) ;
- fruits frais et secs (85 vs 135 g/j) ;
- légumes (89 vs 135 g/j) ;
- soupes et bouillons (54 vs 105 g/j).
Concernant les apports nutritionnels, si la ration énergétique totale n’est pas significativement inférieure chez les personnes en insécurité alimentaire, les apports en fibres (17,1 vs 19,9 g/j), en DHA (115,3 vs 175,0 mg/j) et en EPA (91,7 vs 120,0 mg/j) sont par contre diminués. C’est aussi le cas pour les apports en fer et en vitamines C, B9 et B12.
Pour terminer, France Caillavet précise que ces situations d’insécurité alimentaire sont associées au statut pondéral : chez les femmes, l’insécurité alimentaire est plus fréquente parmi celles présentant une obésité, alors que chez les hommes c’est la maigreur qui lui est associée.
Transition nutritionnelle aux Antilles françaises
Les Antilles françaises se caractérisent par des prévalences élevées d’obésité (plus de 20 %), d’hypertension (près de 30 %) et de diabète (près de 10 %). Afin de mieux comprendre la situation alimentaire en Guadeloupe et en Martinique, Zoé Colombet (INRA) utilise les données des 1144 participants (âge ≥ 16 ans) de l’étude transversale Kannari pour identifier des profils alimentaires dans les Antilles françaises et les décrire selon les caractéristiques socio-démographiques.
Les résultats permettent d’identifier 4 profils de consommateurs
- Le profil « sain » (25 % de la population d’étude) est caractérisé par une consommation élevée de légumes frais et secs, fruits, céréales complètes, produits de la mer et yaourts et une consommation basse d’aliments sucrés et gras.
- Le profil « traditionnel » (24 %) se caractérise quant à lui par une consommation majoritaire de plats typiquement antillais, priorisant les fruits, les légumes, les tubercules et le poisson.
- Le profil « moderne » (31 %) est éloigné des plats antillais et priorise les pâtes, la charcuterie, les snacks et les boissons sucrées.
- Le profil « en transition » (20 %) associe les aliments à connotation moderne et ceux traditionnellement utilisés dans l’alimentation antillaise.
Les profils « sain » et « traditionnel » sont associés à une qualité élevée de l’alimentation, le profil « moderne » à une qualité basse et enfin le profil « en transition » à un score intermédiaire de qualité.
Étant données les associations avec les variables socio-démographiques, la chercheuse fait l’hypothèse que la transition nutritionnelle est terminée chez les plus jeunes : ceux ayant un niveau d’éducation élevé se seraient plutôt tournés vers le profil « sain » alors que ceux avec un niveau d’éducation bas auraient priorisé le profil « moderne ». Chez les personnes d’âge moyen, cette transition nutritionnelle serait toujours en cours (profil « en transition »), alors que les personnes plus âgées semblent conserver le mode d’alimentation traditionnel.
En conclusion, Zoé Colombet met en avant l’intérêt de promouvoir dans de futures actions de santé publique dans les Antilles françaises, le profil traditionnel qui présente une qualité alimentaire élevée tout en étant abordable et culturellement acceptable.