Le 3 mai dernier, s’est tenu en ligne le symposium Nutrition et Santé 2023 de la Fédération Internationale du Lait (FIL). Cette année, les experts internationaux se sont focalisés sur la thématique de l’effet matrice et sur les bénéfices de la consommation de produits laitiers, au sein d’une alimentation équilibrée et d’un mode de vie sain, vis-à-vis de la prévention du risque de survenue de pathologies multifactorielles, telles que le cancer colorectal ou encore le diabète de type 2.
L’effet matrice, c’est quoi ?
Un aliment ne doit pas être simplement considéré comme la somme des nutriments qui le compose. Hannah Holscher (Université de l’Illinois, USA) nous rappelle l’importance de prendre en compte un aliment dans son ensemble. Les effets d’un nutriment spécifique peuvent varier en fonction de la matrice alimentaire dans laquelle il se trouve. On appelle « effet matrice » les interactions complexes entre les nutriments et leur environnement physico-chimique, qui font que leur biodisponibilité et leur métabolisme varient.
La matrice alimentaire, qui peut elle-même être affectée par des éléments externes tels que la température, le pH ou le procédé appliqué à l’aliment, a des effets sur la façon dont un nutriment est digéré, absorbé ou encore fermenté. La figure 1 met en lumière différents paramètres « santé » qui peuvent, par conséquent, être impactés par la matrice alimentaire.
Hannah Holscher met enfin en avant les rôles bénéfiques que peut jouer la matrice laitière sur la santé humaine. Elle cite en particulier le fait que le fromage induit une plus forte excrétion fécale de lipides comparativement à un aliment de même composition, mais moins riche en calcium, ou encore le fait que le yaourt est une matrice protectrice des probiotiques, favorisant ainsi leur survie dans le tractus gastro-intestinal.
Produits laitiers et pathologies
Les autres intervenants se sont ensuite focalisés sur différentes pathologies afin de faire un état des connaissances scientifiques concernant les liens entre la consommation de produits laitiers et ces pathologies spécifiques.
Luigi Ricciardiello (Université de Bologne, Italie) insiste sur la solidité des preuves scientifiques montrant que les produits laitiers ont un effet protecteur vis-à-vis du cancer colorectal. Cet effet pourrait en partie être attribuable au calcium qui freinerait la prolifération et induirait l’apoptose des cellules tumorales. De façon intéressante, les essais scientifiques basés sur la supplémentation en calcium ne montrent pas d’effet protecteur vis-à-vis du cancer colorectal. Ces résultats incitent à penser que la matrice laitière jouerait un rôle clé dans l’action protectrice des produits laitiers vis-à-vis du cancer colorectal.
Emma Feeney (University College Dublin, Irelande) a réalisé quant à elle une étude examinant les effets de la matrice fromagère sur les marqueurs de la santé cardiaque. Après 6 semaines d’alimentation contrôlée en graisses saturées, en calcium et en protéines, les participants (tous âgés de plus de 50 ans et présentant un surpoids) qui ont consommé ces éléments sous forme de fromage au lait entier ont présenté des taux diminués de cholestérol total et de cholestérol LDL, comparativement à ceux les ayant consommés en dehors de la matrice fromagère (beurre + supplémentation en calcium et en protéines).
Andre Marette (Université de Laval, Canada) a mis en place des expérimentations sur des souris, dans l’objectif de comprendre les mécanismes à l’origine des effets protecteurs de la consommation de yaourt vis-à-vis du diabète de type 2. Il semblerait que les bénéfices sur le contrôle de la glycémie et la résistance à l’insuline soient en partie expliqués par des modifications du microbiote intestinal, consécutives à la consommation régulière de yaourt. Par ailleurs, le chercheur a aussi mis en évidence le rôle clé que pourrait jouer des composés produits par les bactéries lactiques du yaourt : les hydroxyacides à chaîne ramifiée, un métabolite présent naturellement dans le foie, mais dont la production est altérée par la prise de poids. L’abondance de ces hydroxyacides dans le foie serait associée à l’amélioration de la glycémie et des triglycérides hépatiques.
Pour finir, Sandra Iuliano, (Université de Melbourne, Australie) rappelle les résultats de l’intervention nutritionnelle de 2 ans qu’elle a menée auprès de plus de 7000 personnes âgées vivant en institution et présentant des apports en protéines et en calcium en dessous des recommandations. Chez les participants ayant consommé quotidiennement une moyenne de 3,5 portions* de produits laitiers par jour, comparativement à ceux n’ayant pas modifié leur apport en produits laitiers (2 portions* par jour), le risque de fracture a diminué de 33 %. On notera tout particulièrement la baisse du risque spécifique de fracture de la hanche de 46 %. Enfin, cette amélioration des apports calciques et protéiques par une consommation adéquate de lait, fromage et yaourt a aussi permis de diminuer significativement le risque de chute de 11 %.
En conclusion, des recherches complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes liés à l’effet matrice des produits laitiers. Par ailleurs, il est important d’insister sur le fait que les pathologies citées dans cet article sont multifactorielles et que, si les produits laitiers semblent jouer un rôle bénéfique pour éviter leur apparition, leur prévention passe, entre autres, par un mode de vie sain et une alimentation équilibrée (NDLR).
*A noter qu’1 portion, dans cette étude australienne, équivaut à environ 1,5 portion européenne de produits laitiers.