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JFN 2021 : autour de l’obésité et de la perte de poids

Article
Publié le 13/12/2021
Modifié le 24/02/2022
Modifié le 24/02/2022
Temps de lecture : 9 minutes
JFN 2021 : autour de l’obésité et de la perte de poids
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La question de l’obésité est toujours centrale aux JFN ; l’édition 2021 ne fait pas exception. Nous vous proposons les comptes-rendus de deux interventions décrivant les modifications de l’image corporelle liées à la perte de poids et les modifications des préférences alimentaires, consécutives à une chirurgie bariatrique.

Modification de l’image corporelle en cas de modification de poids

Sébastien Guillaume (Montpellier) examine les liens entre les modifications de poids et l’évolution de l’image corporelle. Il définit tout d’abord l’image corporelle comme une représentation consciente et émotionnelle de son apparence. Il s’agit d’un point de vue subjectif, basé sur l’auto-observation de son corps. L’image corporelle est un phénomène dynamique, en lien avec son poids, son environnement, mais aussi son état affectif ou cognitif. Parallèlement à l’image corporelle, Sébastien Guillaume introduit le concept d’insatisfaction corporelle, qui est lié au degré de satisfaction de son schéma corporel. Cette insatisfaction devient problématique quand elle commence à avoir des effets sur le fonctionnement (notamment alimentaire) et la qualité de vie d’un individu.

L’insatisfaction corporelle est, sans surprise, plus importante en situation d’obésité. Néanmoins, le chercheur insiste sur le fait que cette insatisfaction est également corrélée à l’anxiété et à la dépression. Aussi, la prise en charge, chez les patients obèses, de l’anxiété, de la dépression, ou encore de la faible estime de soi, permet d’améliorer la perception corporelle et de réduire l’insatisfaction corporelle qui en découle.

Chez des patients ayant perdu du poids après une chirurgie bariatrique, si la perte de poids a tendance à diminuer le niveau d’insatisfaction corporelle, il apparaît que :

  • la perception corporelle ne semble pas liée au pourcentage de perte de poids ;
  • même avec un indice de masse corporelle qui se normalise, la perception corporelle ne semble pas revenir à la norme ;
  • la perception corporelle après chirurgie est fortement associée aux niveaux initiaux de préoccupations pondérale et corporelle, ainsi qu’à l’état émotionnel du patient.

Chez les patients en surpoids suivant un programme de perte de poids :

  • la perte de poids a aussi tendance à diminuer l’insatisfaction corporelle ;
  • la présence d’un module « image corporelle » dans le programme favorise cette diminution ;
  • l’amélioration de la perception corporelle en cours de programme va être prédictive de la perte de poids et de la qualité de vie ultérieure, uniquement chez les patients sans épisode dépressif caractérisé ;
  • chez les personnes présentant un trouble du comportement alimentaire, les modifications pondérales ne vont que partiellement moduler la perception corporelle et l’insatisfaction corporelle.

Pour conclure, Sébastien Guillaume met en avant l’importance, avant toute prise en charge pondérale ou chirurgie bariatrique, de dépister la présence d’un trouble du comportement alimentaire, de dépister et de traiter les troubles anxio-dépressifs et enfin d’évaluer la perception corporelle initiale afin de prendre en charge préalablement l’insatisfaction corporelle pathologique.

Chirurgie bariatrique : influence et bouleversement des préférences alimentaires

La chirurgie bariatrique met en jeu de nombreux mécanismes physiopathologiques au niveau digestif, mais aussi au niveau du cerveau (modification des goûts, des odeurs, du circuit de la récompense, etc.). Les principaux signaux physiologiques observés après un bypass gastrique ou une sleeve gastrectomie sont la diminution de la sensation de faim, la baisse de l’appétit ou de l’envie de manger, une perception plus rapide de la satiété et une sensibilité modifiée aux stimuli alimentaires. Claire Carette (Paris) examine les conséquences de la chirurgie bariatrique en termes de préférences alimentaires, sous l’angle de la composante sensorielle.

Elle présente en particulier les résultats d’une revue systématique de littérature et méta-analyse récente1 rapportant les données de 57 études et concernant plus de 2200 patients opérés par bypass gastrique et 900 opérés par sleeve gastrectomie. Cette revue met en évidence, après chirurgie bariatrique :

  • une réduction drastique des apports énergétiques totaux pendant les deux années suivant la chirurgie ;
  • une augmentation de la part protéique dans les apports énergétiques totaux à 12 mois ;
  • une nette réduction de la part lipidique dans les apports énergétiques totaux à 1, 6, 12 et 24 mois.

Cette revue montre par ailleurs une diminution du plaisir à manger les aliments des principaux groupes alimentaires à court terme. Cette baisse du plaisir semble persister à plus long terme pour les aliments les plus riches en graisses et les plus sucrés. En examinant les données plus dans le détail, on observe que la préférence pour certains aliments comme les viandes rouges est diminuée après la chirurgie, au profit de celle pour d’autres aliments comme les œufs, la volaille, les produits laitiers allégés en graisses ou encore, à plus long terme, les fruits et les légumes.

Claire Carette ajoute que, si les modifications concernant la sensation de faim, le goût et les aversions alimentaires semblent identiques dans le cas du bypass gastrique et de la sleeve gastrectomie, les changements en termes d’odorat semblent plus importants pour les bypass gastriques. Par ailleurs, il semblerait que les patients qui présentent des modifications plus importantes du goût et des sensations de faim soient également ceux qui perdent le plus de poids après la chirurgie.

En conclusion, la chirurgie bariatrique entraîne des modifications importantes des préférences alimentaires dans leurs dimensions hédonique (plaisir) et motivationnelle (envies). Claire Carette met tout de même en avant une très grande variabilité interindividuelle, que ce soit pour les modifications des préférences ou pour la perte de poids après chirurgie.

1 Guyot, E., Dougkas, A., Nazare, J. A., Bagot, S., Disse, E., & Iceta, S. (2021). A systematic review and meta‐analyses of food preference modifications after bariatric surgery. Obesity Reviews, 22(10), e13315.