De nombreuses études portent sur l’alimentation des Français. Elles dévoilent les représentations, le budget, le temps consacré à l’alimentation selon les différentes populations, classées en fonction de leurs revenus et leur statut socioprofessionnel. S’attachant aux populations à faibles revenus, les conclusions de ces travaux incitent à mener une réflexion pour cibler les messages en considérant mieux le point de vue des personnes dont les choix alimentaires sont contraints.A lire aussi dans Alimentation Santé et Petit Budget n°69.
Alors que l’on entend parfois parler d’une uniformisation des habitudes alimentaires, il semblerait que les différences sociales persistent. Elles se lisent dans la part consacrée à l’alimentation dans le budget des ménages, dans le choix des produits consommés ou encore dans l’appréciation de la qualité du « bon au goût » jusqu’aux signes de qualité (produits de marques, équitables, issus de l’agriculture biologique, etc.). Par ailleurs, les disparités sociales structurent les pratiques alimentaires (où et quand on mange, avec qui…), ainsi que les représentations associées à l’alimentation.
L’alimentation, une part de plus en plus réduite dans le budget
Sous l’effet des variations de prix et des modifications des habitudes de consommation, les dépenses liées à l’alimentation, autrefois majoritaires dans le budget, ont vu leur part fortement baisser depuis les années 60, indique une étude de l’Insee(1) publiée récemment. Il y a 50 ans, l’alimentation constituait le principal poste de dépense des ménages (35 %) et 86 % de la consommation alimentaire se faisait au domicile.
En 2014, la viande reste la principale dépense du panier alimentaire, même si une diminution est notée depuis les années 1980. Et 20 % du budget est consacré à l’alimentation. Les trois quarts de cette somme concernent l’alimentation à domicile, le quart restant étant dépensé dans les restaurants, cantines, débits de boissons… sauf pour les catégories modestes qui, en dehors de la restauration scolaire pour les enfants, n’ont pas les moyens de manger hors foyer.
Le prix : critère de choix n° 1
Selon le baromètre Sofincospe(2), en cas de hausse de prix, ce sont le lait, les yaourts et les viandes bovines et ovines qui vont être principalement touchés et voir leur consommation diminuer, contrairement aux pâtes alimentaires ou au pain plus difficilement substituables. À l’inverse, lorsque le pouvoir d’achat augmente, les consommateurs délaissent les pâtes et le pain pour s’orienter vers des produits moins économes.
Le prix, cité par les trois quarts des personnes enquêtées, reste le premier critère de choix. Cependant, il perd du terrain au profit de critères plus qualitatifs comme la qualité gustative du produit, sa composition nutritionnelle ou encore son origine biologique et sa naturalité. Ainsi, un Français sur deux se déclare prêt à payer plus cher pour un produit de qualité. Cela dit, un sur deux estime aussi qu’ « acheter chez les commerçants producteurs (agriculteur, boucher, charcutier…) revient plus cher, mais que le surcoût en vaut la peine ». Mais ce sont essentiellement les plus de 60 ans et les foyers à hauts revenus qui partagent cet avis à 60 %. Notons que les 18- 24 ans et les foyers dont les revenus ne dépassent pas 1000 € mensuels ne sont que 40 % à le penser. Enfin 30 % environ des Français pensent que ces commerçants vendent trop cher et que ça ne vaut pas la peine de se fournir chez eux.
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Et la notion de plaisir ?
L’alimentation représente un poste plaisir pour 55 % des enquêtés. Le choix de dépenser plus pour y satisfaire concerne 72 % des foyers à hauts revenus et 44 % des foyers à faibles revenus. La place accordée au plaisir dans l’alimentation semble plus importante à Paris que dans les régions. Et chez les couples plus que chez les célibataires. Enfin les plus modestes prennent plus de repas en solo et ont moins d’occasions de repas conviviaux festifs.
Concilier plaisir, satiété… et santé ?
Ces dernières années, le bien manger apparaît moins comme un impératif diététique, mais il reste un objet d’attention(3). On voit filtrer la volonté d’aller vers une cuisine que l’on fait soi-même, à partir de produits bruts et sains. Parallèlement, l’offre de « produits gourmands » s’affirme et s’élargit. Tout cela mis bout à bout, une nouvelle tendance se fait jour, où la qualité des produits et la valorisation gustative des aliments pourraient devenir plus importants que la simple recherche de l’équilibre alimentaire. Mais ces notions de plaisir et de qualité imprègnent plus fortement les catégories sociales les plus aisées et diplômées.
Se nourrir ne revêt donc évidemment pas le même sens pour tous. En particulier, on observe une certaine polarisation sociale dans les représentations de l’alimentation, qui est « avant tout une nécessité » pour une majorité d’ouvriers et de personnes disposant de moins de 1000euros nets par mois. Pour conclure, en matière d’éducation alimentaire, il s’agit d’adapter les messages de prévention aux besoins, attentes, pratiques et croyances des participants en adoptant la posture adéquate. Pour cela, il convient de prioriser les thèmes en plaçant les personnes au cœur des actions en veillant à ne pas (trop) se projeter personnellement. Au-delà des considérations pratiques et culturelles, face à différentes personnes en situation de précarité, les notions telles que : la convivialité, le plaisir de la dégustation, la notion de produits « de qualité », la valorisation de plats faits maison… sont à manier avec tact.
POUR ALLER PLUS LOIN
1. Cinquante ans de consommation alimentaire: une croissance modérée, mais de profonds changements. N° 1568 – octobre 2015- Brigitte Larochette et Joan Sanchez-Gonzalez, division Synthèses des biens et services, Insee Memento Alimentation, Agreste. édition 2015. (Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt).
2. Les Français et leur alimentation, mars 2015 http://www.opinion-way.com
3. Le plaisir du cuisiné maison: pour le goût et la qualité. Thierry Mathé et Pascale Hébel. Crédoc, Consommation et modes de vie n° 275, mai 2015 et Cahier de recherche n° 316, décembre 2014.