Dans le cadre des 48es rencontres internationales du British Feeding and Drinking Group (BFDG), plusieurs conférences ont mis en lumière l’importance des émotions et des sensations dans l’alimentation.
Restriction alimentaire, alimentation non contrôlée et alimentation émotionnelle
Laura Kudlek (University of Cambridge, UK) présente les résultats d’une revue de littérature et méta-analyse examinant les impacts, chez les adultes en situation de surpoids ou d’obésité, des interventions ayant pour objectif la perte de poids, sur trois caractéristiques personnelles associées aux comportements alimentaires : la restriction alimentaire, l’alimentation non contrôlée et l’alimentation émotionnelle. Vingt-sept essais contrôlés randomisés ont été inclus dans cette méta-analyse.
La chercheuse rappelle tout d’abord les définitions de ces trois concepts du comportement alimentaire :
- la restriction alimentaire fait référence à un effort conscient pour restreindre son alimentation dans un objectif de contrôle du poids ;
- l’alimentation non contrôlée est la tendance à manger de façon excessive en réponse à des stimuli externes ou à des sensations internes, telles que la faim;
- l’alimentation émotionnelle correspond à la tendance à manger démesurément en réponse à des émotions négatives.
Les résultats de la méta-analyse montrent que les essais contrôlés randomisés ayant pour but la gestion du poids des personnes en surpoids ou en situation d’obésité :
- ont aussi un effet bénéfique sur le niveau de restriction alimentaire des participants (moins de restriction);
- permettent de réduire significativement l’alimentation non contrôlée ;
- n’ont par contre pas d’impact sur la tendance à manger en réponse à des émotions.
Des analyses complémentaires mettent en avant que ce sont plutôt les interventions dites « standards » (activité physique, éducation et conseils alimentaires) qui ont un impact sur la restriction alimentaire. L’alimentation non contrôlée est, quant à elle, diminuée plutôt par les interventions de type « alimentation en pleine conscience » ou « thérapie d’acceptation et d’engagement » (en Anglais ACT).
Par ailleurs, une autre analyse, par profil de participants, montre que seules les personnes présentant un indice de masse corporelle inférieur à 35 kg/m² en début d’intervention voient s’opérer des bénéfices sur les caractéristiques étudiées. Laura Kudlek souligne la nécessité de mettre en place de nouvelles études pour mieux comprendre comment améliorer ces aspects du comportement alimentaire dans les cas, plus complexes, d’obésité sévère.
Pour conclure, la chercheuse insiste sur l’intérêt de modifier, chez les personnes en surpoids ou en situation d’obésité, ces caractéristiques personnelles associées à l’alimentation, car la baisse de la restriction alimentaire, de l’alimentation non contrôlée ou de l’alimentation émotionnelle favorise l’efficacité des prises en charge pour perdre du poids.
Nourrissage réactif et alexithymie
Le nourrissage réactif (ou responsive feeding) est une manière de nourrir son jeune enfant en prenant tout particulièrement en compte les signaux de faim et de satiété de l’enfant. Il s’agit d’un processus bidirectionnel entre l’enfant et l’adulte qui le nourrit (cf. figure 1). Selon la littérature scientifique, la pratique du nourrissage réactif présenterait des bénéfices dans le cadre de la prévention de l’obésité infantile. Shihui Yu (University of Leeds, UK) s’intéresse aux déterminants du nourrissage réactif. Elle examine comment les caractéristiques de l’adulte peuvent favoriser ou au contraire limiter sa pratique. La chercheuse présente les résultats d’une étude qui tente de répondre aux questions suivantes :
- est-ce que le fait de présenter une alexithymie a un impact négatif sur la pratique du nourrissage réactif (l’alexithymie est la difficulté à identifier et à décrire ses propres émotions) ?
- est-ce que les adultes qui ont une meilleure conscience de leurs propres sensations de faim et de satiété pratiquent plus le nourrissage réactif ?
Au total, 445 adultes ayant un enfant en bas âge (âge moyen : 16 mois) ont participé à l’étude qui consistait à répondre à des questionnaires online. Parmi l’ensemble des adultes participants, 14 % présentaient un niveau élevé d’alexithymie.
Les résultats vont dans le sens des hypothèses formulées par la chercheuse. La pratique du nourrissage réactif est significativement influencée par les caractéristiques de l’adulte qui se charge de nourrir l’enfant :
- un adulte présentant une alexithymie est moins susceptible de reconnaître les signaux de faim et de satiété chez l’enfant ;
- les adultes, tout particulièrement les mères qui ont une meilleure conscience de leurs sensations de faim et de satiété sont plus susceptibles de pratiquer le nourrissage réactif.
En conclusion, cette étude montre l’intérêt des stratégies visant à reconnecter les parents avec leurs propres sensations de faim et avec leurs émotions, dans l’objectif de favoriser la reconnaissance des signaux envoyés par leur enfant dans le cadre du nourrissage réactif.
48es rencontres internationales du British Feeding and Drinking Group (BFDG), 4 et 5 avril 2024 à Cambridge (UK)