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BFDG 2024 – A propos de l’insécurité alimentaire

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Publié le 23/05/2024
Publié le 23/05/2024
Temps de lecture : 9 minutes
BFDG 2024 – A propos de l’insécurité alimentaire
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L’insécurité alimentaire est un aspect de l’alimentation souvent examiné aux rencontres internationales du British Feeding and Drinking Group (BFDG). Ces 48es éditions ne font pas exception. Retour sur deux conférences s’intéressant spécifiquement à cette thématique.

Insécurité alimentaire, sensations de faim et stress

Une situation d’insécurité alimentaire peut avoir des conséquences sur la quantité des aliments ingérés et/ou sur leur qualité. L’incertitude vis-à-vis de l’accès à l’alimentation est aussi une dimension importante de l’insécurité alimentaire. Ces trois aspects de l’insécurité alimentaire (quantité, qualité, incertitude) peuvent générer l’apparition de pathologies chroniques et augmenter le risque de mortalité. Chez les femmes en particulier, l’insécurité alimentaire est aussi associée à une hausse importante de l’anxiété et des états dépressifs. Courtney Neal (Newcastle University, UK) examine comment une situation d’insécurité alimentaire peut affecter l’expérience de la faim au quotidien, ainsi que le niveau de stress.

En pratique, la chercheuse et son équipe ont recruté 143 femmes adultes en situation d’insécurité alimentaire et 149 femmes en sécurité alimentaire. Pendant 7 jours consécutifs, à chaque heure de la journée, entre 9h et 21h, les participantes ont déclaré leurs niveaux de faim et de stress.

Les résultats montrent dans un premier temps que le niveau de faim moyen et la variation de la faim au cours d’une même journée ne sont pas différents entre les femmes en situation d’insécurité alimentaire et les autres. La chercheuse a par contre mis en évidence une différence significative entre les deux groupes concernant la variabilité des niveaux de faim d’un jour à l’autre. Plus précisément, les femmes en situation d’insécurité alimentaire présentent une plus grande variabilité dans les niveaux de faim d’un jour à l’autre, comparativement à celles en sécurité alimentaire. Cette différence est particulièrement marquée chez les personnes présentant les niveaux d’insécurité alimentaire les plus élevés.

Les résultats concernant les niveaux de stress sont en quelque sorte inversés par rapport à ceux sur les niveaux de faim. En effet, si le niveau moyen de stress et la variation du niveau de stress au cours d’une même journée sont plus élevés chez les femmes en situation d’insécurité alimentaire, la variabilité des niveaux de stress d’un jour à l’autre n’est pas différente entre les deux groupes de femmes.

Pour conclure, cette étude met en lumière une variabilité importante des niveaux de faim d’un jour à l’autre chez les femmes en insécurité alimentaire, associées à un niveau de stress élevé.

Des tickets alimentaires pour réduire l’insécurité

Basile Verdeau (Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation, France) a quant à lui réalisé l’évaluation qualitative d’une étude visant à inciter financièrement des personnes en situation d’insécurité alimentaire à consommer plus de fruits, légumes et légumineuses. En pratique, des utilisateurs d’une épicerie sociale et solidaire ont reçu pendant 3 mois des tickets alimentaires destinés à acheter des fruits, des légumes et des légumineuses dans les supermarchés et épiceries partenaires, soit la plupart des magasins de la ville de résidence des participants. Le montant des tickets alimentaires distribués était calculé de façon à ce que tous les membres du foyer du participant puissent atteindre les recommandations nutritionnelles associées à la consommation de fruits et légumes (5 portions par jour) et de légumineuses (2 portions par semaine).

Parmi les 200 participants à cet essai contrôlé randomisé, 27 ont pris part à l’étude qualitative consistant en la réalisation d’un entretien semi-directif, trois mois après la fin de l’intervention. Cet entretien visait à examiner les éventuels changements dans les motivations des choix alimentaires des participants, leurs retours concernant l’utilisation des tickets alimentaires et leurs perceptions des modifications de leurs comportements alimentaires.

Les résultats mettent en lumière une évaluation très positive du programme : globalement, le système des tickets alimentaires a été apprécié par les participants, car il permet de faire les achats alimentaires dans les lieux d’approvisionnement habituels ; il réduit aussi l’incertitude concernant l’accès aux aliments. Les personnes ont déclaré préférer ce type d’aide comparativement aux banques alimentaires.

L’utilisation des tickets alimentaires a permis de faire évoluer les motivations des choix alimentaires des participants :

  • grâce aux tickets, les participants ont plus valorisé l’aspect « santé » de l’alimentation ;
  • par ailleurs, les participants ayant des enfants ont profité des tickets pour donner plus d’importance aux aspects sensoriels de l’alimentation. Ils déclarent en particulier avoir priorisé les achats dans les boutiques dédiées aux produits frais, offrant une variété alimentaire plus importante. Ces participants ont aussi profité de l’étude pour goûter et faire goûter à leurs enfants de nouveaux fruits ou légumes.

Deux tiers des participants déclarent avoir acheté plus de fruits et légumes grâce aux tickets, alors qu’un tiers déclarent que les tickets leur ont uniquement permis de maintenir leurs habitudes alimentaires. Ces derniers sont principalement des personnes n’ayant pas utilisé correctement les tickets. En effet, le chercheur explique que certains participants et supermarchés ont parfois eu du mal à bien catégoriser les aliments, en particulier les légumineuses. Les pommes de terre ont aussi souvent été achetées grâce aux tickets, alors qu’elles ne faisaient pas partie, initialement, des aliments ciblés.

Pour conclure, cette incitation financière a permis d’augmenter l’exposition aux fruits et légumes et de baisser la charge mentale associée à l’incertitude de pouvoir s’approvisionner en aliments. A noter que certains participants, notamment ceux ayant les niveaux les moins élevés d’insécurité alimentaire ont exprimé une barrière à l’usage des tickets, se sentant parfois stigmatisés par les autres usagers ou le personnel des supermarchés.

48es rencontres internationales du British Feeding and Drinking Group (BFDG), 4 et 5 avril 2024 à Cambridge (UK).